La vocation de Paul - Culture
Dans le livre La conversion de Paul, Philippe Morel choisit de commenter le tableau de Parmigianino (le Parmesan) « conversion de saint Paul », conservé au Kunsthistorisches Museum de Vienne. Ce tableau ne présente comme figures que Paul et un cheval blanc. Pour Philippe Morel, ce tableau illustre le passage étudié de Galates 1, ou l’extase de 2Corinthiens 12,1-7, plus que le récit des Actes qui fait intervenir d’autres personnages.
« Il est évident que Parmesan (…) a écarté toute forme de mise en scène dramatique, au profit d’une contemplation extatique et (…) d’une interprétation essentiellement mystique et allégorique largement détachée des récits des Actes où les compagnons sont les témoins d’un miracle auquel ils participent de façon variable selon les textes et leurs interprétations postérieures. Ici encore on comprend que Parmesan s’est plutôt inspiré des épîtres pauliniennes et qu’il en a notamment dégagé l’idée de solitude et d’exception, Paul étant celui qui se dit « mis à part » et qui va d’abord s’isoler en Arabie. » Morel, Philippe, in: Kéchichian, Patrick; Breton,Stanislas; Morel, Philippe, La conversion de Paul, Paris:Desclée de Brouwer, 2001, p 95.
Daniel Arasse met en relation les tableaux de conversion de Paul avec la Contre-Réforme au 16e siècle« Le maniérisme est une période fascinante, en tout cas pour moi, en particulier du fait qu’elle croit profondément à la puissance de l’art. L’art y est une véritable puissance, il peut apporter des réponses aux inquiétudes ou aux questions que pose le monde. Un des beaux exemples aussi, c’est le thème de la conversion de saint Paul, qui prend une actualité extraordinaire au XVIème siècle. Il y a énormément de Conversions de saint Paul représentées à cette époque, et ce n’est pas sans raison. Saint Paul est à la fois un nom de pape -il y a deux papes du nom de Paul au XVIème siècle, Paul III et Paul IV, au total il y en a eu six dont deux en un seul siècle- et, il est en même temps le disciple favori de Luther, qui choisit Paul par rapport à Pierre. Donc, la Conversion de saint Paul est évidemment un message envoyé à Luther : Luther-Paul doit se convertir. Ce qui est intéressant c’est de voir que cette conversion est traitée de façon assez simple au départ, selon la lettre du texte –saint Paul s’en va à pied vers Damas et tombe aveuglé, etc.-, et progressivement, avec le XVIème siècle, ça devient une bataille immense, un chaos cosmique. La foule de soldats augmente et on a l’impression que c’est au cœur d’une bataille que viendra la conversion de Paul-Luther. » Arasse, Daniel, Histoires de peintures, Paris: France Culture /Denoël, 2004, p.132.
Luther, Martin, » Préface au Premier volume des œuvres latines « , in Œuvres tome VII, Genève : Labor et Fides, 1962, pp. 306-307.
» J’avais été saisi par un désir, certes étonnant, de connaître Paul dans l’Epître aux Romains, mais ce qui avait jusque-là constitué un obstacle n’était pas un sang différent dans les entrailles, mais un seul mot qui se trouve au chapitre I : « La justice de Dieu est révélée en lui (l’Evangile). » Je haïssais, en effet, ce terme « Justice de Dieu », que j’avais appris, selon l’usage et la coutume de tous les docteurs, à comprendre philosophiquement comme la justice formelle et active, par laquelle Dieu est juste, et punit les pécheurs et les injustes. Or, moi qui, vivant comme un moine irréprochable, me sentais pécheur devant Dieu avec la conscience la plus troublée et ne pouvais trouver la paix par ma satisfaction, je haïssais d’autant plus le Dieu juste qui punit les pécheurs, et je m’indignais contre ce Dieu, nourrissant secrètement sinon un blasphème, du moins un violent murmure ; […] J’étais ainsi hors de moi, le coeur en rage et bouleversé, et pourtant, intraitable, je bousculai Paul à cet endroit, désirant ardemment savoir ce que Paul voulait. Jusqu’à ce qu’enfin, Dieu ayant pitié, et alors que je méditais jours et nuits, je remarquais l’enchaînement des mots, à savoir : « La justice de Dieu est révélée en lui », comme il est écrit « Le juste vit de la foi » ; alors je commençai à comprendre que la justice de Dieu est celle par laquelle le juste vit du don de Dieu, à savoir de la foi et que la signification était celle-ci : par l’Evangile est révélée la justice de Dieu, à savoir la justice passive, par laquelle le Dieu miséricordieux nous justifie par la foi, selon qu’il est écrit : Le juste vit de la foi. Alors, je me sentis un homme né de nouveau et entré, les portes grandes ouvertes, dans le paradis même. A l’instant même, l’ Ecriture m’apparut sous un autre visage. «