Christologie - Espace temps
La ville de Philippes est aujourd’hui en ruine. Elle était située tout à fait au nord du golfe de la mer Egée, sur la route qui reliait l’Asie mineure à la Macédoine, dans l’arrière pays de l’actuel port de Kavalla.
Depuis l’année 30 de notre ère, Rome domine toute la méditerranée. Toutes les provinces ou cités de l’empire romain, à l’est, qui représentent l’ancien empire conquis par Alexandre, devenu le royaume lagide, restent malgré leur diversité fortement marquées par l’hellénisme. Le grec est la langue universelle. L’état est organisé en cités où la culture et la religion grecques dominent. Cette culture hellénistique s’est répandue largement dans les villes parce qu’on devenait grec par culture et non pas par naissance. Rome ne cherchera pas à imposer son modèle urbain et garde le modèle d’administration grecque avec à la base la cité. On est donc avant tout citoyen de sa ville et on se présente en nommant son origine ethnique. Cela n’empêche pas qu’il existe des statuts individuels. Certaines personnes reçoivent la citoyenneté romaine, mais elles constituent une infime minorité. La famille de Paul fait partie de cette minorité et est ainsi une exception. Enfin, tous ne sont pas des citoyens rattachés à une ville. Dans les pays où il n’y a pas de cités grecques, dans le monde rural, et même dans les cités, tout le monde n’a pas accès à la citoyenneté.
Dans la Brève Instruction qui date de 1522, le réformateur Martin Luther s’attache à corriger deux erreurs à ses yeux concernant l’Evangile. La première serait de dire qu’il y a 4 évangiles, l’œuvre de Paul n’étant qu’un ajout à ces évangiles. Luther affirme qu’il n’y a qu’un seul Evangile comme il n’y a qu’un seul Christ et pour lui Romains 1,1-4 est le parfait résumé de l’Evangile :
Romains 1,1-4 Paul, serviteur de Jésus Christ, appelé à être apôtre, mis à part pour annoncer l’Evangile de Dieu. Cet Evangile, qu’il avait déjà promis par ses prophètes dans les Ecritures saintes, concerne son Fils, issu selon la chair de la lignée de David, établi, selon l’Esprit Saint, Fils de Dieu avec puissance par sa résurrection d’entre les morts, Jésus Christ notre Seigneur.
La deuxième serait de lire les évangiles et les lettres de Paul « comme des livres de Loi où nous devons apprendre ce que nous devons faire ». Pour Luther l’essentiel est de reconnaître le Christ comme un don de Dieu.
« Il ne faut pas faire du Christ un Moïse, ni le considérer comme un maître ou comme un exemple. Ce qui est capital dans l’Evangile, c’est de recevoir et de reconnaître le Christ comme un don de Dieu. Saisir le Christ comme un modèle, voilà la partie la moins importante de l’Evangile. Elle ne mériterait même pas d’y figurer : le Christ n’est alors pas plus utile qu’un autre saint. Sa vie reste la sienne, sa propriété, elle ne te secourt pas directement. L’article principal, le fondement même de l’Evangile, c’est que, avant de le prendre comme modèle, tu le reçoives et le reconnaisses comme un cadeau, un don qui t’a été octroyé par Dieu et qui désormais t’appartient. Tu peux compter là-dessus comme si, ce que le Christ a fait, tu l’avais fait toi-même. Bien plus, comme si tu étais toi-même le Christ. »
Luther, tiré de la Brève instruction de 1522 citée dans Bouttier, Michel, Gorgées d’Evangile, Paris: les Bergers et les Mages ,1997, p25
Comme dans beaucoup de religions, le christianisme connaît des courants de pensée « doloristes » qui font de la souffrance une vertu rédemptrice, dans le catholicisme, ou une vertu en soi dans un certain protestantisme. A l’opposé de ce dolorisme, on peut lire ces mots de Dietrich Bonhoeffer, écrits depuis sa prison le 28 juillet 1944. Il est arrêté depuis plus d’un an et ne sait pas quelle sera l’issue d’un procès sans cesse reporté. Seuls celles et ceux qui souffrent peuvent s’exprimer ainsi. Personne ne peut le dire à leur place.
« Faut-il opposer la bénédiction de l’Ancien Testament à la croix ? Kierkegaard le faisait. Ainsi l’on fait de la croix, c’est-à-dire de la souffrance, un principe ; voilà la source d’un méthodisme malsain qui dérobe à la souffrance le caractère contingent de la providence divine. (…) Ce n’est pas l’action seulement, mais aussi la souffrance qui sont un chemin vers la liberté. Dans la souffrance, la libération consiste à pouvoir faire passer sa cause de ses propres mains dans celles de Dieu. Dans ce sens, la mort est le couronnement de la liberté de l’homme. Si l’homme considère sa souffrance comme la continuation de son action, comme l’accomplissement de sa liberté, alors son action procède de sa foi. Je trouve cela très important et très consolant. »
Bonhoeffer, Dietrich, Résistance et soumission, Genève: Labor et Fides, 1973, p 379
Les écrits de Paul sont les plus anciens conservés dans le Nouveau Testament. Mais dès les débuts du christianisme des textes liturgiques devaient circuler dans les assemblées. Même si Paul affirme n’avoir reçu l’Evangile de personne (Galates 1,11-12), et même si il n’y a aucune citation explicite dans ses écrits, on y trouve des éléments de cette tradition se rapportant à la mort et à la résurrection de Jésus. Paul ne reconnaît qu’une seule fois explicitement une reprise de la tradition : 1Corinthiens 15,3-5 Je vous ai transmis en premier lieu ce que j’avais reçu moi-même: Christ est mort pour nos péchés, selon les Ecritures. Il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour, selon les Ecritures. Il est apparu à Céphas, puis aux Douze. Il ne se réfère directement à un enseignement de Jésus que 4 fois dans toute son œuvre. Au-delà de ces références explicites, on peut supposer que certains versets sont des reprises parce qu’il y a des formules ressemblant à des hymnes et de la poésie, des styles différents, des formules introduites par « nous savons… nous croyons ». Mais il est impossible d’avoir des certitudes, d’autant plus que Paul a sûrement participé à l’élaboration de ces premières formulations chrétiennes.