Jugement - Culture
Des hommes vont vers Dieu, au petit matin,
Ils demandent de l’aide, un peu de joie, un peu de pain.
« Sauve-nous du Mal, du Malin, de la Mort… »
Chrétiens et païens vont, criant de la sorte.
Des hommes vont vers Dieu, au petit matin,
Le trouve pauvre, sans asile et sans pain,
Assiégé par le Mal, le Malin et la Mort.
Il y a des chrétiens qui veillent de la sorte.
Dieu vient aux hommes au petit matin,
Nourrit les corps et les âmes de son pain.
Meurt sur la croix pour eux, païens et chrétiens,
Et leur pardonne de la sorte.
(en captivité – juillet 1944)
Tympan de la cathédrale de Bourges
Au centre : le Christ en gloire.
En dessous du Christ : la pesée des âmes.
A sa gauche : l’enfer avec le diable et une marmite bouillonnante.
A sa droite : le paradis.
Sur l’Evangile du jugement
Quand je pense, Seigneur, à cette fin du monde,
A ces astres tombant du haut du firmament,
A ces flambeaux du ciel éclipsés promptement
Et à ce feu brûlant l’air, et la terre et l’onde.
Quand j’oy des quatre vents de la machine ronde
Ce grand son de clairons, ce grand ajournement,
Criant : » Levez-vous, morts, venez au jugement « ,
Ô que je suis saisi d’une crainte profonde !
Mais quand je vois ce roi de gloire couronné,
De mille millions d’esprits environné,
Prononcer en tonnant la dernière sentence :
» Venez, bénis du père, et allez, malheureux « .
Ô seigneur, cache-moi, dis-je alors, tout peureux,
Dans l’abîme profond de ta grande clémence.
Le Jugement dernier est une fresque peinte par Michel-Ange sur le mur de l’autel de la chapelle Sixtine, au Vatican. Michel-Ange la peignit sur commande du pape Clément VII, alors qu’il avait 60 ans. Le travail dura 6 ans.
La fresque s’étend sur un vaste mur (20 m de haut, 10 m de large) à forme de double lunette.
En haut de chaque lunette, les anges tiennent les instruments de la Passion : la croix, la colonne à laquelle le Christ a été attaché. Au centre, sous la jonction des lunettes, se trouve le Christ en majesté, levant le doigt dans la position d’un juge impitoyable. Il est représenté sous les traits d’un jeune homme, avec une carrure d’athlète dont on dit qu’elle est inspirée du torse du Belvédère – un Christ bien différent des représentations habituelles, lui donnant un air à la fois plus humain et plus terrible. À ses côtés, la Vierge détourne le visage en signe de pitié.
Aux côtés de Jésus et de sa mère figurent les saints tenant les instruments de leur martyre, témoins de la foi. On peut reconnaître à leurs pieds les patrons de Rome, saint Barthélemy tenant sa peau écorchée, sur laquelle Michel-Ange s’est représenté, et saint Laurent et son gril. À droite se trouve saint Pierre tenant les clefs du paradis, Adam et Eve, Esaïe et Jacob réconciliés, et d’autres martyrs. À gauche, des apôtres et Jean-Baptiste.
Au niveau inférieur se trouvent les hommes subissant le Jugement et des anges. Tandis qu’à droite du Christ les élus sont escortés jusqu’au paradis, à gauche les damnés sont poussés vers l’enfer. Au centre, on remarque un étonnant groupe de deux hommes rescapés de l’enfer et tirés vers le ciel par deux anges. Les deux hommes s’accrochent pour cela à un chapelet, condamnation explicite des protestants qui rejettent la dévotion à la Vierge.
Enfin, tout en bas de la fresque, deux personnages d’inspiration non plus scripturaire mais tout droit issus de la Divine Comédie de Dante : Charon faisant passer les âmes dans sa barque et Minos avec ses oreilles d’âne (sous les traits du maître des cérémonies Biagio da Cesena, qui détestait Michel-Ange, lequel le lui rendait bien). À noter qu’à l’époque, l’œuvre avait fait scandale, en partie à cause du fait que les 400 et quelques personnages qui y figurent sont nus, y compris le Christ lui-même. Paul IV songea un moment faire effacer le tout puis se contenta de faire voiler pudiquement certains personnages par Daniele de Volterra, qui y gagna le surnom de Barghettone (culottier). Au XVIIe siècle encore, Clément XII fera recouvrir d’autres personnages.
Nietzsche
Fils de pasteur luthérien, philologue classique de formation, Nietzsche se tourne vers la philosophie pour tenter de formuler les problèmes et de définir de nouvelles valeurs dans le cadre d'un questionnement sur la civilisation. C'est de ce point de vue que, durant la majeure partie de sa carrière philosophique, il met en cause et attaque violemment le christianisme, avec une véhémence toujours plus grande. élabore dans cet ouvrage (écrit en 1888) une critique philosophique du christianisme dans laquelle l’antéchrist devient la figure-type de celui qui est parvenu à se libérer du christianisme. Illusion, fiction, Idéal négatif parce que nourri de la faiblesse et du ressentiment, le christianisme désigne, pour Nietzsche, le pouvoir du mensonge. Il escamote la réalité et c’est pourquoi il ne faut pas seulement le réfuter ; il faut aussi le combattre. D’où une nécessaire violence à l’encontre des » malades » : ce qui est chrétien, c’est la haine contre l’esprit ; contre la fierté, le courage, la liberté, le libertinage de l’esprit ; ce qui est chrétien, c’est la haine contre les sens, contre les joies des sens, contre la joie tout court.
Nietzsche, Friedrich, L’Antéchrist, Paris : Flammarion, 1993:
» Ici, je n’étouffe pas un soupir. Il y a des jours, où un sentiment me visite, un sentiment plus noir que la plus noire mélancolie … le mépris des hommes. Et pour ne point laisser de doute sur ce que je méprise, et qui je méprise : c’est l’homme d’aujourd’hui, avec qui je suis fatalement contemporain. L’homme d’aujourd’hui … j’étouffe de son souffle impur… Pareil à tous les clairvoyants, je suis d’une grande tolérance envers le passé, c’est-à-dire que généreusement je me contrains moi-même : je passe avec une morne précaution dans ces milliers d’années d’un monde-cabanon qui s’appelle » christianisme « , » foi chrétienne « , » église chrétienne « , … je me garde de rendre l’humanité responsable de ses maladies mentales, mais mon sentiment se retourne, éclate, dès que j’entre dans le temps moderne, dans notre temps. Notre temps est un temps qui sait… Ce qui, autrefois, n’était que malade, aujourd’hui cela est devenu inconvenant, … aujourd’hui il est inconvenant d’être chrétien. Et c’est ici que commence mon dégoût. … Je regarde autour de moi : il n’est plus resté un mot de ce qui autrefois s’appelait » vérité « , nous ne supportons plus qu’un prêtre prononce le mot de » vérité « , même si ce n’est que des lèvres. Même avec les plus humbles exigences de justice, il faut que l’on sache aujourd’hui qu’un théologien, un prêtre, un pape, à chaque phrase qu’il prononce, ne se trompe pas seulement, mais qu’il ment, … qu’il ne lui est plus permis de mentir par innocence ou par ignorance. Le prêtre, lui aussi, sait comme n’importe qui, qu’il n’y a plus de » Dieu « , plus de péché « , plus de » Sauveur « , … que le » libre arbitre « , » l’ordre moral » sont des mensonges : le sérieux, la profonde victoire spirituelle sur soi-même ne permettent plus à personne d’être ignorant sur ce point… Toutes les idées de l’Église sont reconnues pour ce qu’elles sont, le plus méchant faux-monnayage qu’il y ait, pour déprécier la nature et les valeurs naturelles ; le prêtre lui-même est reconnu pour ce qu’il est, la plus dangereuse espèce de parasite, la véritable tarentule de la vie… Nous savons, notre conscience sait aujourd’hui, … ce que valent ces inquiétantes inventions des prêtres et de l’Église, à quoi elles servaient. Par ces inventions fut atteint l’état de pollution de l’humanité dont le spectacle peut inspirer l’horreur, … les idées d’ » au-delà « , » jugement dernier « , » immortalité de l’âme « , l' » âme » elle-même : ce sont des instruments de torture, des systèmes de cruauté dont les prêtres se servirent pour devenir maîtres, pour rester maîtres… Chacun sait cela : et quand même tout reste dans l’ancien état de choses. Où donc est allé le dernier sentiment de pudeur, de dignité devant soi-même, si même nos hommes d’État, une sorte d’hommes généralement très francs, foncièrement antéchrists en action, s’appellent aujourd’hui encore des chrétiens et vont à la sainte Cène… Un jeune [12] prince à la tête de ses régiments, superbe expression de l’égoïsme et de l’orgueil de son peuple, … mais, sans aucune pudeur, s’avouant chrétien !… Que nie donc le christianisme ? Qu’est le » monde » pour lui ? Quand on est soldat, juge, patriote ; quand on se défend ; quand on tient à son honneur ; quand on veut son propre avantage ; quand on est fier… La pratique de tous les moments, chaque instinct, chaque évaluation devenant action, est aujourd’hui antichrétienne ; quel avorton de fausseté doit être l’homme moderne pour ne pas avoir honte, quand même, de s’appeler chrétien !… «
chanson de Georges Brassens (1921-1981)
Je ne suis pas du tout l’Antéchrist de service,
J’ai même pour Jésus et pour son sacrifice
Un brin d’admiration, soit dit sans ironie.
Car ce n’est sûrement pas une sinécure,
Non, que de se laisser cracher à la figure
Par la canaille et la racaille réunies.
Bien sûr, il est normal que la foule révère
Ce héros qui jadis partit pour aller faire
L’alpiniste avant l’heure en haut du Golgotha,
En portant sur l’épaule une croix accablante,
En méprisant l’insulte et le remonte-pente,
Et sans aucun bravo qui le réconfortât !
Bien sûr, autour du front, la couronne d’épines,
L’éponge trempée dans Dieu sait quelle bibine,
Et les clous enfoncés dans les pieds et les mains,
C’est très inconfortable et ça vous tarabuste,
Même si l’on est brave et si l’on est robuste,
Et si le paradis est au bout du chemin.
Bien sûr, mais il devait défendre son prestige,
Car il était le fils du ciel, l’enfant prodige,
Il était le Messie et ne l’ignorait pas.
Entre son père et lui, c’était l’accord tacite :
Tu montes sur la croix et je te ressuscite !
On meurt de confiance avec un tel papa.
Il a donné sa vie sans doute mais son zèle
Avait une portée quasi universelle
Qui rendait le supplice un peu moins douloureux.
Il savait que, dans chaque église, il serait tête
D’affiche et qu’il aurait son portrait en vedette,
Entouré des élus, des saints, des bienheureux.
En se sacrifiant, il sauvait tous les hommes.
Du moins le croyait-il ! Au point où nous en sommes,
On peut considérer qu’il s’est fichu dedans.
Le jeu, si j’ose dire, en valait la chandelle.
Bon nombre de chrétiens et même d’infidèles,
Pour un but aussi noble, en feraient tout autant.
Cela dit je ne suis pas l’Antéchrist de service.
Le fauteuil d’Elie dans la synagogue de Carpentras (Vaucluse).
Il symbolise entre autre l’attente de la venue d’Elie en signe annonciateur de l’arrivée du Messie.
Au cours du 16e et du 18e siècle, le monde savant est pris d’une longue fièvre chronologique. On cherche à calculer la date du début du monde et parfois aussi de sa fin. On ne compte pas moins de deux cents calculs différents : le plus court donne 3483 ans depuis la Création jusqu’au Christ, le plus long 6984. Le plus célèbre calcul de cette époque est dû à James Ussher (1581-1656), professeur au Collège de la Trinité à Dublin. Il calcule en 1650 que la création du monde a eu lieu en 4004 av. JC, le 23 octobre à midi. L’apocalypse doit donc survenir le 23 octobre 1997 à midi, exactement deux mille ans après la naissance du Christ et six mille ans après la création, puisque par extrapolation avec les six jours de la Genèse, le monde doit durer six mille ans. Le septième jour de repos du créateur correspond au Millénium qui apportera mille ans de félicité avant le Jugement dernier.