Jugement - Contexte
L’eschatologie
Ce terme désigne, littéralement, la doctrine de la chose dernière (du grec eschatos, dernier, et logos, discours), ce qui touche à la fin du monde. Israël a toujours été tourné vers l'avenir, et l'Ancien Testament parle de ce temps où Dieu rétablira la justice et la paix. aborde des thèmes qui font généralement frémir. Elle donne l’impression d’une vision tragique du monde et de son avenir. Pourtant, l’espérance fait partie intégrante de l’eschatologie qui réaffirme la venue en ce monde du Royaume de Dieu.
Selon Paul, l’espérance repose d’ailleurs sur la participation du croyant aux promesses eschatologiques. Ainsi, le croyant peut » espérer contre toute espérance » (Romains 4,18-25). Par la foi, il est au bénéfice de l’amour de Dieu, un amour que rien ni personne ne peut lui arracher (Romains 8,31-39). Ce lien indéfectible constitue sa pleine espérance.
En langage apocalyptique
La littérature apocalyptique est un genre d'écriture qui répond à plusieurs critères. Les plus importants le caractérisent comme un discours sous forme de vision, exhortant les lecteurs à tenir ferme dans une période périlleuse et leur réaffirmant l'horizon d'un jour dernier qui verra la victoire de Dieu sur le monde., l’espérance se traduit par une fermeté dans l’épreuve, par une confiance en la venue imminente du Dieu victorieux. Le triomphe apparent du mal ne saurait avoir raison des croyants : gardant confiance en ce Dieu qui » essuiera toute larme de leurs yeux » (Apocalypse 7,17).
Au tournant du 20e siècle, des théologiens protestants ont redécouvert l’idée que le triomphe apparent du mal ne saurait avoir raison de l’espérance. Dans les années 1960, Jürgen Moltmann et d’autres théologiens ont même insisté particulièrement sur ce déploiement de l’espérance qu’offrait une perspective des fins dernières. Leurs écrits ont participé à libérer des forces de créativité et d’action éthique susceptibles de redonner du courage et de la lucidité aux hommes saisis par la résignation ou par le désespoir. Loin de se limiter à l’attente béate d’un avenir meilleur ou à la préparation d’un futur purement technique, ils ont mis l’espérance à l’épreuve du mal radical et du non-sens dans l’histoire. Ils prêchaient une espérance fondée sur la foi telle que Paul la décrivait déjà : » la foi est une manière de posséder déjà ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités que l’on ne voit pas » (Hébreux 11,1). Sans illusion par rapport au monde, elle est pourtant sans concession face aux responsabilités à prendre. Dans cette perspective, l’eschatologie ne se résume pas à la crainte d’un jugement mais ouvre le croyant à une dynamique nouvelle, celle de l’espérance.
Toutes les théologies chrétiennes s’interrogent sur l’histoire : elles cherchent à rendre compte de la révélation de Dieu dans le monde, affrontent la question du déploiement temporel. Il existe de multiples compréhensions chrétiennes de l’histoire. En théologie protestante, on peut cependant en distinguer trois :
- Pour toute une famille théologique (notamment marquée par la pensée de Luther Réformateur allemand né et mort à Eisleben. Moine, prêtre, docteur en théologie, professeur d'exégèse biblique, il était habité par une intense quête spirituelle concernant le salut.*), l’histoire du monde manifeste avant tout l’ampleur du péché humain. Dans cette perspective, l’histoire n’est pas a priori orientée et Dieu n’en garantit pas la destination finale. La seule histoire susceptible d’être prise en considération dans la réflexion théologique serait ici celle des êtres humains pris dans leur individualité, celle de leurs espérances, de leurs souffrances et de leurs luttes. On parlera alors d’une vision existentielle de l’histoire.
- Pour un autre courant de théologie protestante (notamment marqué par la pensée de Calvin français né à Noyon. Il a une formation d'humaniste, étudiant les lettres, la philosophie, le droit, l'hébreu, le grec, la théologie en divers lieux universitaires (Paris, Orléans, Bourges).), Dieu dirige le monde et le mène où il l’a décidé de toute éternité. Le temps historique devient alors le temps que sa providence contrôle, le plus souvent à l’insu des hommes. Dans cette perspective, Dieu est le maître de l’histoire et son jugement est l’instance régulatrice de ce monde.
- Pour un troisième courant de théologie protestante (notamment marquée par les courants millénaristes), il s’agit de sortir de l’histoire. Convaincu de l’imminence de la fin de l’histoire, le rôle du croyant est de hâter la parousie
Le mot parousie vient du grec " parousia " qui signifie " présence, arrivée, venue ". Il se dit principalement du dernier avènement du Christ. par l’instauration de communautés croyantes qui se projettent déjà dans le Royaume de Dieu.
Ces différents rapports à l’histoire ne font que tracer des repères. Cependant, chacun d’eux suscite des attitudes éthiques et détermine différentes visions de l’Eglise. Penser l’histoire a des conséquences sur la manière dont on vit l’histoire. Quant on la pense contrôlée et dirigée par Dieu, on n’a pas la même conception de la responsabilité (et de la liberté) que quand on pense l’histoire autonome. De même, quand on veut » hâter la venue du Royaume « , l’Eglise devient facilement une assemblée de purs.
Jésus parle souvent du » Royaume Le mot grec utilisé dans le Nouveau Testament peut être traduit par royaume, règne ou royauté. Le Royaume de Dieu est là où Dieu règne. » (on peut traduire également le mot grec employé par » règne « ). Dans l’évangile selon Marc, la première chose que dit Jésus est même : » Le Royaume Le mot grec utilisé dans le Nouveau Testament peut être traduit par royaume, règne ou royauté. Le Royaume de Dieu est là où Dieu règne. de Dieu est proche « . La théologie cherche à comprendre plus précisément le sens d’une telle expression. Elle retient principalement quatre sortes de compréhension:
- Le Royaume désigne un monde nouveau à venir
- Le Royaume est là telle une réalité présente
- Le Royaume se caractérise alors par une tension entre un passé et un futur
- Le Royaume surgit dans la rencontre individuelle et personnelle avec Dieu
Pour cette approche le Royaume Le mot grec utilisé dans le Nouveau Testament peut être traduit par royaume, règne ou royauté. Le Royaume de Dieu est là où Dieu règne. désigne un monde nouveau à venir, entièrement différent de celui-ci. Après une catastrophe apocalyptique La littérature apocalyptique est un genre d'écriture qui répond à plusieurs critères. Les plus importants le caractérisent comme un discours sous forme de vision, exhortant les lecteurs à tenir ferme dans une période périlleuse et leur réaffirmant l'horizon d'un jour dernier qui verra la victoire de Dieu sur le monde., ce monde disparaîtra et viendront de » nouveaux cieux et une nouvelle terre « . Le temps présent prendra fin et une période tout autre commencera. C’est la thèse dite de » l’eschatologie conséquente « . Dans cette perspective, le Royaume est entièrement à venir, il arrivera d’un coup, en rupture avec ce qui le précède. Sa venue se fera dans un futur proche non pas tant sur un plan cosmique mais spirituel.
Dans cette approche, avec Jésus le Royaume Le mot grec utilisé dans le Nouveau Testament peut être traduit par royaume, règne ou royauté. Le Royaume de Dieu est là où Dieu règne. est là telle une réalité présente. Cette thèse, dite de » l’eschatologie réalisée « , considère que Jésus proclame que la venue du Royaume a eu lieu. Les auditeurs de Jésus vivent le » jour du seigneur » annoncé par les prophètes. La promesse d’un nouveau monde trouve sa réalisation avec la venue de Jésus. L’âge du miracle commence : Jésus renverse les puissances du mal, les démons sont chassés, les dominations sont vaincues. Sa venue représente déjà le jugement du monde : ce jugement a lieu à l’instant même où on rencontre Jésus. Dans cette perspective, le Royaume est entré dans le monde avec Jésus et s’y trouve désormais présent. Il ne se localise pas dans un au-delà ni dans un futur. Il désigne ce qui se manifeste pour chaque croyant dans le temps et l’espace où celui-ci vit sa foi.
Cette compréhension du Royaume Le mot grec utilisé dans le Nouveau Testament peut être traduit par royaume, règne ou royauté. Le Royaume de Dieu est là où Dieu règne. entend tenir ensemble le monde à venir et la réalité présente. Le Royaume se caractérise alors par une tension entre un passé (un accomplissement avec la venue de Jésus), et un futur (une attente du retour du Christ à la fin des temps). C’est le » déjà et pas encore » du Royaume. Dans cette perspective, Jésus a réalisé les prophéties, il a tout accompli mais en même temps, les croyants attendent toujours la pleine réalisation des promesses de Dieu : l’avènement du Royaume n’a pas eu lieu.
Enfin, une dernière compréhension du Royaume propose la thèse dite de » l’eschatologie verticale « . Selon elle, le Royaume ne désigne ni un futur, ni un fait accompli, ni un mélange des deux, mais une qualité différente. Celle-ci se manifeste à certains moments, ceux où l’homme rencontre Dieu. L’adjectif » vertical » signifie que le Royaume ne se situe pas quelque part sur la ligne horizontale du temps, mais qu’il est fondamentalement un événement spirituel. Dans cette perspective, le Royaume ne dépend pas du temps historique, mais surgit dans la rencontre individuelle et personnelle avec Dieu.
Le regard, généralement méfiant, que portent la plupart des modernes sur le jugement dernier rend difficile toute compréhension immédiate de cette notion. Il faut plusieurs détours par les textes bibliques, la théologie et son histoire pour en mesurer les enjeux. Toutefois, l’idée d’un jugement dernier recouvre plusieurs problématiques qui appartiennent toujours aux préoccupations modernes.
La première repose sans doute sur le fait que le jugement dernier prend acte du mal qui sévit dans le monde. La question du mal reste la préoccupation de tout individu responsable à laquelle les sciences humaines, comme la philosophie ou la théologie, sont sans cesse confrontées. Une autre problématique concerne la finitude : le jugement dernier et sa perspective de la proximité de la fin du monde, imposent à l’homme de se confronter à sa propre mort. Ce thème rappelle ainsi que la vie ici-bas est toujours de l’ordre du relatif. Lors même que celle-ci est sans issue, elle n’est pas pour autant dénuée de valeur.
Enfin, le jugement dernier confronte l’homme à des choix. Ce qu’il fait n’est pas sans conséquence pour lui-même, pour ceux qui l’entourent et pour la création toute entière. C’est dire que si l’on supprimait la notion de jugement, on nierait l’homme en tant qu’être responsable, capable de décision et de choix constructifs ou destructeurs.
Derrière les discours extrémistes qui jouent avec la peur des gens et qui semblent se propager tout autant hier qu’aujourd’hui, se cache aussi cette volonté de contrôler et la vie et la mort. Le jugement dernier repose essentiellement sur l’idée que l’homme est au bénéfice d’une justice qui lui est extérieure et que celui-ci résiste à l’idée de ne pouvoir contrôler sa justice, son espérance et sa mort. Une telle tension participe actuellement encore aux débats qui animent tout croyant face à son monde.
D’un point de vue eschatologique, l’idée d’un salut universel rivalise avec celle d’un jugement dernier : Jésus-Christ revient comme juge de la fin des temps, pour opérer la distinction ultime entre les élus et les réprouvés. La tension entre les deux représentations est difficilement soluble, tant du point de vue biblique que théologique. Cette tension a des effets concrets sur la conception du salut : si celui-ci se décide dans un jugement final, alors les œuvres humaines deviennent un critère décisif et l’homme se trouve soumis à la Loi La Loi est l'ensemble des prescriptions données par Dieu à son peuple pour l'aider à vivre. Les principales, " dix commandements " ou " dix paroles " se trouvent en Exode 20,1-17 et en Deutéronome 5,6-22. ; à l’inverse, si le salut est d’emblée promis à tous, les œuvres humaines risquent de devenir indifférentes. Afin d’articuler plus justement cette question de l’universalité ou non du salut, la théologie introduit une autre notion : celle de la providence de Dieu. Les conceptions divergent alors selon qu’elles s’appuient plus ou moins sur la bonté de Dieu à l’égard des hommes.
L’Ancien Testament présente plusieurs visages de Dieu : tantôt juge punissant (Nombres 14,26-30), tantôt Père miséricordieux (Esaïe 1,18). Ces représentations reposent essentiellement sur la perception que le croyant a de Dieu. En effet, le croyant perçoit Dieu à la fois comme proche et comme différent.
Le lien qui s’établit entre Dieu et le croyant n’abolit pas la distance et n’anéantit pas la différence qui les sépare. La plupart des théologiens ne cherchent pas à choisir entre solidarité et souveraineté : Dieu est en même temps proche et lointain. Sa Parole console et guide et pourtant, loin de renforcer l’homme dans sa bonne conscience, cette même Parole interroge et ébranle.
La notion d’alliance dans la Bible traduit le lien de solidarité entre Dieu et les hommes. Dans cette perspective, et bien que Dieu reste fondamentalement différent de l’être humain, il n’est pas un être absolu qui se désintéresse des hommes. Il est celui qui les accompagne, les aide. Cette proximité de Dieu se manifeste dans le nom même qu’à plusieurs reprises lui donne le prophète Esaïe : » Emmanuel « , qui veut dire » Dieu avec nous « , et non pas » séparé, lointain et indifférent « . Pour beaucoup de théologiens chrétiens, cette solidarité qui se noue dans l’alliance, culmine avec l’incarnation : en Jésus, Dieu s’unit avec nous et devient pleinement solidaire.
A côté de cette forte insistance sur la solidarité, la théologie chrétienne met aussi l’accent sur la majesté et la souveraineté de Dieu. Elle souligne tout ce qui sépare le Créateur de ses créatures : Dieu dépasse, domine et se situe au dessus des hommes. La Bible indique cette représentation en nommant Dieu » Seigneur » ou » Roi » ou encore » Juge « . Dans cette perspective, l’homme n’est pas appelé à une relation d’égalité ou de réciprocité avec Dieu, mais à l’obéissance et à la soumission. La Bible parle d’ailleurs souvent de la crainte que Dieu inspire : Dieu fait trembler, on le redoute. Celui qui le rencontre et le voit face à face a peur d’en mourir.
On pourrait croire que la question du Royaume
Le mot grec utilisé dans le Nouveau Testament peut être traduit par royaume, règne ou royauté. Le Royaume de Dieu est là où Dieu règne. de Dieu est réservée aux spécialistes et qu’elle est sans conséquence pour le croyant. En fait, le débat a des conséquences concrètes qui ne sont pas dépourvues d’importance pour la vie et l’action chrétiennes. L’histoire de la théologie révèle que depuis deux siècles, on s’est beaucoup préoccupé de ce qu’on a l’habitude d’appeler » l’essence du christianisme « . En schématisant, on pourrait dire que deux conceptions s’opposent.
La première considère que la justification par la grâce constitue l’essence du christianisme. Autrement dit, que le salut de l’homme pécheur est le contenu principal de la bonne nouvelle annoncée par Jésus-Christ. C’est ce que défend Luther. L’essence du christianisme réside dans cette relation unique et spécifique entre Dieu et le croyant, le reste appartient au secondaire. Dans cette perspective, on a tendance à voir dans le Royaume un langage qui exprime ce salut par la grâce. Le Royaume de Dieu concerne l’individu, sa foi, sa piété, non le monde et la société. » Ce qui est chrétien, écrit Luther, ne se situe pas dans le comportement extérieur, mais dans l’état intérieur « . Cela ne veut pas dire que le chrétien ne s’engage pas dans le monde, mais que ce n’est pas cet engagement qui fait de lui un chrétien.
La seconde conception affirme que c’est le Royaume de Dieu qui constitue l’essence du christianisme. C’est ce que défendent les réformés classiques. Le salut étant acquis, il n’est qu’une étape, un fondement sur lequel le croyant doit bâtir. Il s’agit maintenant d’établir la seigneurie du Christ dans le monde, autrement dit d’établir le Royaume de Dieu. La foi chrétienne implique donc des engagements dans le monde, au service de ce Royaume.
Le plus souvent, les théologies articulent ces deux conceptions, mais dans les faits, une des conceptions domine toujours l’autre. De là, découle une relation spécifique au monde (notamment sur les plans politique et social). La compréhension qu’on a du Royaume a donc des conséquences directes sur la manière dont l’Eglise comprend sa mission dans le monde.
Ce monde est appelé à passer. Plus que tout autre livre, l’Apocalypse le rappelle avec force. Par delà vingt siècles d’histoire, cette affirmation continue à interroger les Eglises chrétiennes. Attendent-elles encore quelque chose qui vienne de l’extérieur du monde et qui le transcende ? Une espérance est-elle encore possible ? Du point de vue de la littérature apocalyptique, cette espérance ne fait pas de doute, car il y a un combat à mener. Selon l’auteur de l’Apocalypse, le combat du croyant consiste à témoigner du vrai Dieu contre les et à actualiser la réalité du Royaume qui vient (5,10). Malgré la fin annoncée, l’espérance est donc possible. Le jugement qui appartient à Dieu passera par la destruction du monde présent. Cette affirmation centrale de l’apocalyptique pourrait être source d’angoisse pour un lecteur moderne. Pourtant, en remettant entre les mains de Dieu le sort de la création et des créatures, l’apocalypse empêche l’homme de se prendre pour Dieu et lui interdit un pouvoir absolu de destruction.
Aujourd’hui où la soif de puissance de l’homme vient se cacher jusque dans son angoisse de pouvoir détruire le monde, l’Apocalypse annonce qu’il n’appartient pas à l’homme de décider du moment de la fin. Dieu ne lui en a tout simplement pas donné le pouvoir. Ce message ouvre ainsi un espace de liberté pour une action paisible et joyeuse en ce monde, délivrée de tout le tragique dans lequel l’humanité semble s’enfermer.
Le mot » providence Du latin providentia qui signifie " prévision " et " prévoyance ", le mot n'a pourtant pas gardé ces deux significations. A partir du 13e siècle, le mot se spécialise dans le vocabulaire religieux pour désigner la suprême sagesse par laquelle Dieu conduit tout et prend soin de ses fidèles. » ne se rencontre nulle part dans la Bible. Pourtant, la tradition chrétienne a pris l’habitude d’employer ce mot pour désigner la sollicitude de Dieu qui veille sur les siens. Dans une perspective chrétienne, cette notion signifie que le croyant ne se trouve pas seul dans l’existence, Dieu l’accompagne. L’enjeu repose donc essentiellement sur la question de la puissance divine : comment peut-on affirmer devant ce monde enclin au mal que la providence de Dieu dirige le monde ? En théologie chrétienne, on peut relever quatre réponses différentes.
- La puissance divine est absolue
- Dieu n’impose pas sa volonté
- Des forces antagonistes s’affrontent
- La radicale impuissance divine
Ces positions ne résument pas l’ensemble de la théologie chrétienne. Elles suggèrent des pistes qui ouvrent la voie à différentes conceptions de la foi. Tantôt tragique ou sereine, selon que cette foi s’appuie ou non sur l’intervention de Dieu auprès des hommes. Ainsi, la providence de Dieu s’articule en théologie avec la question du salut des hommes : ou bien sa providence les épargne au-delà de ce que les hommes peuvent en dire, ou bien elle a opéré son choix de toute éternité.
Dieu veut et fait tout ce qui se produit dans le monde. Ce qui se passe (malheurs et bonheurs) est toujours totalement conforme à sa volonté. Cette position est tenue notamment par Calvin qui écrit : » Dieu a tellement la conduite de tout que rien se fait d’autant qu’il a ordonné « . Le croyant doit donc considérer et recevoir comme un bien ce qui lui arrive.
Tout est possible à Dieu. Il peut imposer sa volonté en toutes circonstances, mais il a décidé de ne pas exercer ce pouvoir pour préserver la liberté de l’homme. Il ne veut pas le mal, toutefois il le permet. Cette thèse très ancienne a été reprise au 20e siècle notamment par Emil Brunner.
Le monde est un champ de bataille où s’affrontent des forces antagonistes. Dieu ne veut pas et ne permet pas tout ce qui s’y passe mais des forces démoniaques lui résistent et s’opposent à lui. C’est une position défendue par exemple par Tillich. Dans cette perspective, si des forces nombreuses s’opposent actuellement à Dieu et limitent pour le moment sa puissance, aucune ne parviendra à le vaincre. Dieu aura le dernier mot et au final, sa puissance l’emportera.
La véritable image de Dieu est donnée par Jésus-Christ, condamné à mort, supplicié et crucifié. Dieu ne dispose d’aucune puissance et s’offre aux hommes dans le dénuement. C’est une position tenue par exemple par Monod. Selon lui, Dieu a été mis en échec et expulsé du monde. Depuis, Dieu tente de reconquérir le monde : par la persuasion, par l’action de son Esprit dans les êtres humains que sa Parole a converti et qui travaillent pour que vienne son règne. Ce règne s’établira seulement à la fin des temps, et alors Dieu sera vraiment Dieu, le souverain de toutes choses.
Les Témoins de Jéhovah forment un mouvement religieux d’inspiration chrétienne millénariste, dont certains comportements sont parfois considérés comme sectaires. Ils rassemblent 6 millions et demi de pratiquants réguliers dans 235 pays. La société Watch Tower (la Tour de garde), l’organisation centrale des Témoins de Jéhovah basée aux Etats-Unis, organise leurs activités et édite de nombreuses publications telles que leurs magazines » La Tour de Garde » et » Réveillez-vous! « . Les membres de ce groupe sont connus pour leur évangélisation de porte à porte ou dans les rues, annonçant l’instauration prochaine du Royaume de Dieu et la destruction de tous ceux qui ne s’y soumettent pas.
Les témoins de Jéhovah ont donc une conception de l’avenir particulièrement marquée par l’eschatologie. L’introduction de » Réveillez-vous ! » se fixe ainsi un objectif qui est décrit à la page 4 de chaque numéro : » Ce périodique s’adresse à chaque membre de la famille. Il montre comment faire face aux problèmes de notre époque. Il informe, parle des usages propres à divers peuples et traite de sujets religieux et scientifiques. Mais il ne s’en tient pas là. Il va au fond des choses et dégage le sens réel des événements, tout en gardant sa neutralité politique et son impartialité raciale. Par dessus tout, Réveillez-vous ! donne de solides raisons de croire que le Créateur réalisera ses promesses en instaurant très bientôt un monde nouveau de paix et de sécurité qui remplacera l’actuel système de choses méchant et sans loi. « . Leur vision de l’avenir reste donc fondamentalement sereine puisque leurs membres sont convaincus de faire partie des » élus » destinés à vivre dans le Royaume de Dieu.