Jugement - Clés de lecture
François de Sales François de Sales naît au château de Sales au nord d'Annecy, le 21 août 1567. Sa famille est de petite noblesse rurale. (1567-1622) plonge le lecteur dans une vision typique du jugement dernier tel que le Moyen-Age Le Moyen Age occidental est l'époque de l'histoire située entre l'Antiquité et l'Époque moderne, donc grossièrement entre 500 et 1500 après Jésus Christ. Elle s'étend donc sur une période de 1000 ans. l’envisageait. Il décrit ainsi la fin de l’attente de Dieu, son retour dans le monde auquel sont associées généralement des thèmes peu sympathiques comme le jugement et ses tribulations En perspective chrétienne, les tribulations désignent généralement un ensemble de signes censés annoncer l'imminence de la fin des temps. Matthieu décrit ces derniers jours: Matthieu 24,21 Il y aura alors en effet une grande détresse, telle qu'il n'y en a pas eu depuis le commencement du monde jusqu'à maintenant et qu'il n'y en aura jamais plus.. Si le lecteur moderne estime terrifiante cette vision, elle ne l’est pas nécessairement sous la plume de l’auteur : il est plongé dans un monde injuste, ses contemporains attendent le règne de la justice de Dieu. L’épreuve et le mal sont pour eux des réalités très concrètes (que d’ailleurs la Bible n’ignore pas), mais qui ne nient pas nécessairement toute espérance. L’auteur relève un défi pédagogique : il rappelle la menace d’un jugement à venir pour interpeller le croyant. Le but est alors de se tourner vers Dieu, et d’aspirer à la réconciliation et à la guérison, au salut et à la justice.
L’auteur développe ici une certaine conception du temps. Parler de la fin des temps (ce que la théologie appelle « eschatologie » Ce terme désigne, littéralement, la doctrine de la chose dernière (du grec eschatos, dernier, et logos, discours), ce qui touche à la fin du monde. Israël a toujours été tourné vers l'avenir, et l'Ancien Testament parle de ce temps où Dieu rétablira la justice et la paix.) sous-entend une conception linéaire du temps. La Bible parle effectivement d’un temps qui s’ouvre par la création et qui s’achèvera par une révélation. Elle inscrit l’histoire du monde, et l’histoire de chacun, entre un commencement et une fin. En opposition à une compréhension cyclique du temps, le judéo-christianisme inscrit l’homme dans une histoire dont le jugement est l’horizon. Et si l’auteur reste prudent sur la question de la datation de cet événement, il n’en demeure pas moins qu’elle se pose dans la Bible et donc en théologie.
Pour l’auteur, le Christ revient sous les attributs du juge suprême afin d’établir la justice de Dieu et de révéler à chacun son devenir. Le retour du Christ en gloire (et non plus du Crucifié) s’appelle en théologie la parousie
Le mot parousie vient du grec " parousia " qui signifie " présence, arrivée, venue ". Il se dit principalement du dernier avènement du Christ.. C’est la présence définitive de Dieu, le dévoilement final de toutes choses. L’origine historique de la parousie
Le mot parousie vient du grec " parousia " qui signifie " présence, arrivée, venue ". Il se dit principalement du dernier avènement du Christ. se trouve dans la littérature apocalyptique
La littérature apocalyptique est un genre d'écriture qui répond à plusieurs critères. Les plus importants le caractérisent comme un discours sous forme de vision, exhortant les lecteurs à tenir ferme dans une période périlleuse et leur réaffirmant l'horizon d'un jour dernier qui verra la victoire de Dieu sur le monde.. De nombreuses images y sont développées, elles ne font qu’approcher une espérance chrétienne bien difficile à exprimer.
La question se pose de savoir quand le « souverain juge » comparaîtra. Les premiers chrétiens attendaient la parousie
Le mot parousie vient du grec " parousia " qui signifie " présence, arrivée, venue ". Il se dit principalement du dernier avènement du Christ. comme un événement imminent. Les théologiens s’accordent à penser que le « retard » de la parousie
Le mot parousie vient du grec " parousia " qui signifie " présence, arrivée, venue ". Il se dit principalement du dernier avènement du Christ. que vivait la première communauté chrétienne après Pâques (résurrection de Jésus-Christ) et Pentecôte (envoi du Saint Esprit sur les premiers apôtres) est la crise décisive qui a marqué la première génération chrétienne, donnant dès lors forme au christianisme comme tel, dans sa structuration historique propre.
Selon les représentations dominantes à la fin du Moyen-Age
Le Moyen Age occidental est l'époque de l'histoire située entre l'Antiquité et l'Époque moderne, donc grossièrement entre 500 et 1500 après Jésus Christ. Elle s'étend donc sur une période de 1000 ans., l’au-delà est rempli de personnages tels les saints et les anges
Le mot "ange" vient du grec angelos qui signifie "messager". Les anges sont ceux qui transmettent la parole ou les signes de Dieu.. Cependant, l’au-delà médiéval se compose de trois lieux : le paradis (où vont ceux qui ont su se rendre digne du salut), l’enfer (pour ceux qui ont mérité la damnation) et le purgatoire (pour ceux qui, destinés au paradis, doivent encore faire l’objet de purification).
La venue du juge souverain entouré d’une cours ne surprend donc pas un lecteur du 15e siècle, nourri des représentations bibliques du jugement dernier. D’autres personnages apparaissent ainsi régulièrement dans ces représentations eschatologiques, l’Antéchrist fait partie des plus connus.
Le jugement dernier sous-entend qu’un tri s’effectuera entre les bons et les méchants. Le principe d’une telle sélection fait largement échos aux récits des évangiles qui assurent généralement qu’un tel choix doit avoir lieu. Cette question fait l’objet de débats virulents dans l’histoire de la théologie et encore actuellement. Elle s’illustre notamment dans les célèbres débats sur la prédestination qui opposera les Réformateurs Promoteur de la religieuse du 16e siècle . à l’Eglise catholique romaine mais également entre eux. Cependant, la question préoccupante alors reste de savoir comment faire partie des bons. Cette « grande peur » qui envahit l’époque favorise une sorte de course au salut pour gagner le Royaume de Dieu. La querelle sur les indulgences qui opposera Luther Réformateur allemand né et mort à Eisleben. Moine, prêtre, docteur en théologie, professeur d'exégèse biblique, il était habité par une intense quête spirituelle concernant le salut. à la papauté en est un illustre exemple.
La répartition entre les bons et les méchants fait objet de débat : tout dépend selon quel critère « le tri » s’effectue. Si le critère de sélection est le comportement moral, alors on parlera de « bons » et de « mauvais », mais l’application reste large et somme toute assez subjective. Il est plus couramment question dans les évangiles que la Loi serve de critère. On parlera alors de « justes » et d' »injustes » selon les œuvres produites par chacun. C’est ainsi qu’on pourrait interpréter, par exemple, ce verset de Matthieu : « Il ne suffit pas de me dire : « Seigneur, Seigneur ! » pour entrer dans le Royaume des cieux ; il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux » (7,21). Enfin, on trouve également dans la Bible un autre critère : celui de la foi en Dieu. C’est ainsi que Paul va défendre cette position contre la logique juive fondée plutôt sur les œuvres. Paul affirmera, lui, que l’homme, par sa foi, devient « un juste » aux yeux de Dieu, il écrit ainsi : « Nous estimons en effet que l’homme est justifié par la foi, indépendamment des œuvres de la loi » (Romains 3,28). Ces critères sont enchevêtrés les uns aux autres et ne s’excluent pas nécessairement : les textes bibliques sont traversés par ces différentes conceptions.
La crainte de Dieu se déploie dans les représentations du jugement. On frémit d’être confronté au Dieu juge et souverain. La damnation des uns à laquelle il est fait allusion ici fait obstacle à une représentation de Dieu faite d’amour et de bonté. La Bible véhicule pourtant ces deux représentations. La théologie propose plusieurs pistes de réflexion pour les articuler.
L’auteur puise dans les évangiles l’idée de séparation entre bons et mauvais :
Matthieu 25,32-33
Devant lui seront rassemblées toutes les nations, et il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des chèvres. Il placera les brebis à sa droite et les chèvres à sa gauche.
et l’impossibilité de communiquer entre eux :
Luc 16, 26
De plus, entre vous et nous, il a été disposé un grand abîme pour que ceux qui voudraient passer d’ici vers vous ne le puissent pas et que, de là non plus, on ne traverse pas vers nous.
La séparation éternelle des uns et des autres illustre un avenir particulièrement inquiétant. L’histoire de la théologie révèle différentes conceptions de l’avenir, tantôt tragiques, tantôt sereines, selon qu’elle s’appuie plus ou moins sur la direction du monde par Dieu. Ces visions de l’avenir connaissent tour à tour leur période de prédilection selon leur contexte historique. Toutes considèrent que Dieu maîtrise d’une manière ou d’une autre l’histoire du monde.
L’auteur entretient l’idée que Dieu tiendrait un livre dans lequel tout serait inscrit : la destination finale de chaque individu. Cette représentation provient directement du livre de l’Apocalypse qui raconte cette vision :
Apocalypse 5,1
Et je vis, dans la main droite de celui qui siège sur le trône, un livre écrit au-dedans et au-dehors, scellé de sept sceaux.
Cette image (sans doute empruntée au livre d’Ezéchiel, voir 2/9-10) a donné lieu à diverses interprétations : la plus répandue prétend que ce livre contient le dessein de Dieu, qu’il est représenté sous la forme d’un testament scellé et que seul le Christ peut en être l’exécuteur. Dans cette perspective, l’auteur insiste sur le fait que l’homme doit rendre des comptes et qu’il les rendra nécessairement à Dieu au jour dernier. On peut comprendre que l’idée d’une justice divine participe à apaiser les esprits dans un monde alors enclin à de terribles maux tant politiques (les guerres) que naturels (les épidémies). Aujourd’hui, dans un monde où la justice est plus développée et plus performante, l’idée de « devoir rendre des comptes » reste toujours aussi présente. En perspective chrétienne, la justice humaine peut participer à l’établissement du Royaume de Dieu. C’est d’ailleurs le rôle de la théologie d’articuler et de distinguer ce qui relève de la justice divine et de la justice humaine.
Le mot « pénitence » provient d’un verbe latin (paenitet) qui signifie « avoir du regret ». Au Moyen-Age, il s’est vite spécialisé dans le langage chrétien pour désigner le regret du péché et les signes visibles du repentir : jeûne, mortification, pénitence publique, etc., jusqu’à devenir synonyme de la peine imposée par le confesseur. Par extension, le mot va prendre le sens de « punition ». Toutefois, dans la Bible, le mot est généralement associé au thème de la conversion : en ce sens, la pénitence désigne plutôt le signe extérieur d’un changement intérieur. Dans ce cas, il n’implique pas la punition d’une faute morale, mais le retournement intérieur d’un homme qui regarde à Dieu.
Le thème de la pénitence aborde ici la question de la participation de l’homme à son salut. L’auteur stipule clairement que même les bons ont contribué à leur salut en faisant œuvre de pénitence : la grâce de Dieu n’est pas seule agissante. Dans cette perspective, le salut devient objet de conquête : conception que les Réformateurs
Promoteur de la religieuse du 16e siècle
. vont combattre en proclamant un salut total et gratuit.
L’expression « rien ne sera caché » renvoie directement au mot « apocalypse » Ce livre est attribué par la tradition à Jean, l'évangéliste, car l'auteur se présente avec le nom de Jean. Le texte a probablement été écrit autour de l'an 95 après JC.) qui signifie littéralement « révélation ». Ainsi, il y aura un temps où tout sera dévoilé. Une littérature apocalyptique se développe dans les livres de la Bible. Les apocalypses procèdent toutes d’une vision déterministe de l’histoire, c’est-à-dire que tout est fixé d’avance, et va inexorablement vers son achèvement. L’homme se trouve donc impliqué dans une histoire qui le dépasse, dans des événements qu’il ne peut pas contrôler. Il s’agit pour lui d’attendre dans la confiance, malgré l’épreuve, que les temps s’accomplissent. Ce déterminisme qui semble affleurer dans ce texte est cependant doublé d’une joyeuse assurance de la victoire de Dieu. Il est plus difficile au lecteur contemporain d’entrapercevoir cette espérance fondamentale de l’auteur qui repose sur la certitude que Dieu instaurera un jour le monde nouveau.