Dieu - Culture
Dans l’article du Figaro intitulé Les 4 vérités de Dieu (publié le 30 juin 2006), le journaliste Olivier Michel interroge quatre représentants religieux de France : l’évêque Jean-Pierre Ricard, le président de la Fédération Protestante de France le pasteur Jean-Arnold de Clermont, le grand rabbin Joseph Sitruk et le recteur de la mosquée de Paris Dalil Boubakeur. Lors de cette interview, on peut déceler les orientations des trois grandes religions monothéistes.
« Une religion peut-elle vivre avec ses seuls livres saints ?
Mgr J.-P. R. – Contrairement à ce qu’on entend souvent, le christianisme n’est pas une religion du Livre. Elle est la religion de l’Incarnation : Dieu a pris chair et s’est fait homme. C’est à travers les hommes qui traduisent leur foi en actes, qui aiment leur prochain comme Jésus nous a aimés, que la religion reste vivante. Mais la méditation des Ecritures saintes est indispensable pour nourrir sa foi et suivre l’exemple du Christ.
Pasteur J.-A. de C. – Une religion est en dialogue permanent avec la culture de son temps ; elle se fonde sur ses textes saints mais en dialogue avec la philosophie, la science, les arts de son temps. Mais elle se vit aussi avec d’autres croyants dans le cadre d’une communauté, lors des offices ou de temps de réflexion et de partage. »
Souchon, Alain, Et si en plus y’a personne
Paroles et musique d’Alain Souchon et Laurent Voulzy, 2005.
Cette chanson parle des trois grandes religions monothéistes (judaïsme, christianisme, islam). En pointant les excès de chacune d’entre elles, la chanson s’interroge sur leur fondement. Et si en plus y’a personne dénonce toutes sortes de fanatisme religieux, au nom desquels on tue. La chanson remet en question l’existence même d’un Dieu.
Abderhamane, Martin, David
Et si le ciel était vide
Tant de processions, tant de têtes inclinées
Tant de capuchons tant de peur souhaitées
Tant de démagogues de Temples de Synagogues
Tant de mains pressées, de prières empressées
Tant d’angélus
Ding
Qui résonne
Et si en plus
Ding
Y’a personne
Abderhamane, Martin, David
Et si le ciel était vide
Il y a tant de torpeurs
De musiques antalgiques
Tant d’anti-douleurs dans ces jolis cantiques
Il y a tant de questions et tant de mystères
Tant de compassions et tant de revolvers
Tant d’angélus
Ding
Qui résonne
Et si en plus
Ding
Y’a personne
Arour hachem, Inch Allah
Are Krishna, Alléluia
Abderhamane, Martin, David
Et si le ciel était vide
Si toutes les balles traçantes
Toutes les armes de poing
Toutes les femmes ignorantes
Ces enfants orphelins
Si ces vies qui chavirent
Ces yeux mouillés
Ce n’était que le vieux plaisir
De zigouiller.
de Lamartine, Alphonse, Dieu
Alphonse de Lamartine (1790-1869) est un grand poète romantique français. Dans ce poème (particulièrement long et dont il ne s’agit ici que d’extraits), le lecteur appréciera la description d’un Dieu de la toute-puissance qui ne souffre aucune faiblesse. Une telle représentation est assez typique du mouvement romantique qui célèbre Dieu au travers de grands élans du cœur et le présente comme une immensité devant laquelle l’homme doit se situer.
Dieu
(A M. de la Mennais)
C’est Dieu, c’est ce grand tout, qui soi-même s’adore !
Il est ; tout est en lui : l’immensité, les temps,
De son être infini sont les purs éléments ;
L’espace est son séjour, l’éternité son âge ;
Le jour est son regard, le monde est son image ;
Tout l’univers subsiste à l’ombre de sa main ;
L’être à flots éternels découlant de son sein,
Comme un fleuve nourri par cette source immense,
S’en échappe, et revient finir où tout commence.
Sans bornes comme lui ses ouvrages parfaits
Bénissent en naissant la main qui les a faits !
Il peuple l’infini chaque fois qu’il respire ;
Pour lui, vouloir c’est faire, exister c’est produire !
Tirant tout de soi seul, rapportant tout à soi,
Sa volonté suprême est sa suprême loi !
Ce Dieu défiguré par la main des faux prêtres,
Qu’adoraient en tremblant nos crédules ancêtres.
Il est seul, il est un, il est juste, il est bon ;
La terre voit son œuvre, et le ciel sait son nom !
Heureux qui le connaît ! plus heureux qui l’adore !
Réveille-nous, grand Dieu ! parle et change le monde ;
Fais entendre au néant ta parole féconde.
Il est temps ! lève-toi ! sors de ce long repos ;
Tire un autre univers de cet autre chaos.
A nos yeux assoupis il faut d’autres spectacles !
A nos esprits flottants il faut d’autres miracles !
Change l’ordre des cieux qui ne nous parle plus !
Lance un nouveau soleil à nos yeux éperdus !
Détruis ce vieux palais, indigne de ta gloire ;
Viens ! montre-toi toi-même et force-nous de croire !
Mais peut-être, avant l’heure où dans les cieux déserts
Le soleil cessera d’éclairer l’univers,
Alors tu briseras ton inutile ouvrage :
Ses débris foudroyés rediront d’âge en âge :
Seul je suis ! hors de moi rien ne peut subsister !
L’homme cessa de croire, il cessa d’exister !
La littérature des 19e et 20e siècles est marquée par le désinvestissement du Dieu traditionnel chrétien. Le patriarche barbu et lointain disparu, l’idée de Dieu ne se dissout pas pour autant : elle devient à réinventer. Au Dieu » barbare et cruel » de Baudelaire (1821-1867) répond le Dieu » simple et absolu » de Julien Green (1900-1998). Dans ce texte extrait de son autobiographie, Julien Green évoque le » langage secret » qui seul permettrait de communiquer avec le divin. Dieu ne parlerait qu’à ceux qui ont un cœur d’enfant, dans le silence d’une expérience indicible.
Julien Green, Partir avant le jour, Paris : Seuil, 1963.
» A parler de ces choses, il me semble que le temps se détruit et que de nouveau je suis là-bas, dans ce jardin qui n’existe plus. Je sentais l’air frais sur mes joues et une pensée que je n’arrivais pas à formuler se logeait dans ma tête. Le bruit d’un tapis qu’on battait et cette musique alerte qui rendait malgré tout un peu triste et qui résonnait au loin, comme tout cela m’est présent aujourd’hui et comme il était étrange – oui, c’était bien cela que j’éprouvais et ne pouvais dire -, comme il était étrange d’être dans ce jardin, avec la terre sous les pieds et cette fraîcheur sur le visage, et dans le cœur quelque chose de secret, le bonheur de vivre, alors qu’on ne savait pas encore ce que vivre voulait dire.
Dans les cellules de carmélites, une inscription porte ces mots : « Ma fille, qu’êtes-vous venue faire ici ? ». Cette question que Dieu pose à l’âme des religieuses, il la posait à sa manière, avec toute la douceur et la délicatesse de l’amour, à l’âme d’un enfant qui ne devait la comprendre que plus tard et dont la cellule était le monde.
Dieu parle avec une extrême douceur aux enfants et, ce qu’il a à leur dire, il le leur dit souvent sans paroles. La création lui fournit le vocabulaire dont il a besoin, les feuilles, les nuages, l’eau qui coule, une tache de lumière. C’est le langage secret qui ne s’apprend pas dans les livres et que les enfants connaissent bien. A cause de cela, on les voit s’arrêter tout d’un coup au milieu de leurs occupations. On dit alors qu’ils sont distraits ou rêveurs. L’éducation corrige tout cela en nous le faisant désapprendre. On peut comparer les enfants à un vaste peuple qui aurait reçu un secret incommunicable et qui peu à peu l’oublie, sa destinée ayant été prise en main par des nations prétendues civilisées. Tel homme chargé d’honneurs ridicules meurt écrasé sous le poids des jours et la tête pleine d’un savoir futile, ayant oublié l’essentiel dont il avait l’intuition à l’âge de cinq ans. Pour ma part, j’ai su ce que savent les enfants et tous les raisonnements du monde n’ont pu m’arracher complètement ce quelque chose d’inexprimable. Les mots ne peuvent le décrire. Il se cache sous le seuil du langage, et sur cette terre il reste muet. «
Philosophe du langage, critique littéraire et romancier, Georges Steiner fait partie des grands intellectuels du 20e siècle qui ont cherché à » penser après Auschwitz « . Touché personnellement par ce génocide, il élabore dans cet ouvrage une réflexion – qui fera référence – sur l’appréhension que les philosophes peuvent avoir de ces événements. Il problématise et tente de redéfinir, après l’optimisme du siècle des Lumières, le concept – devenu tragique – de culture.
Steiner, Georges, Dans le château de Barbe-Bleue, Paris : Gallimard/Folio, 1973, p. 44-45 :
» Il me paraît incontestable qu’il faut replacer l’holocauste dans le cadre d’une psychologie de la religion, et qu’une connaissance de ce cadre est indispensable à un débat sur la culture. C’est le point de vue de la minorité.
On ne s’étonne guère que, dans leur effort pour rendre ce matériau dément accessible à la raison et tolérable, sociologues, économistes et spécialistes des sciences politiques se soient appliqués à localiser le sujet selon des coordonnées rationnelles et profanes. Ils ont établi les données conjoncturelles des thèses raciales nazies ; la longue tradition de rancœur petite-bourgeoise à l’égard d’une minorité prospère, apparemment distante. Ils ont souligné à juste titre tout ce qui rabattait psychologiquement la crise financière sur une minorité juive qui avait toujours entretenu des rapports étroits avec le monde de l’argent. On a analysé de très près l’assimilation imparfaite, peut-être précipitée, des juifs non croyants au monde des Gentils, assimilation à laquelle l’Europe contemporaine doit beaucoup de son génie intellectuel, mais qui a aussi, notamment en Allemagne, revêtu les formes conjuguées de l’amour et de la haine. Les socio-historiens ont attiré l’attention sur la multiplication des signes d’hystérie entre l’affaire Dreyfus et la » solution finale « . On laissait à dessein circuler les poisons. Certains soutiennent, de façon convaincante, que l’antisémitisme nazi et stalinien, tout meurtrir qu’il était, obéissait en dernier ressort à des objectifs rationnels : ce serait là une tentative pour se débarrasser d’une minorité que son héritage et sa sensibilité prédisposaient naturellement à l’opposition, à toutes les subversions.
Aucune de ces approches n’est négligeable. Rassemblées, elles composent un faisceau inestimable d’intuitions historiques et sociologiques. Cependant, le phénomène, si tant est qu’on puisse en avoir une vue cohérente, se situe à un niveau plus profond. Aucun modèle historique ou psychosociologique élaboré jusqu’à ce jour, aucune psychopathologie du comportement des foules ou des aberrations mentales de certains leaders, de certains tueurs pris séparément, aucun diagnostic d’hystérie délibérée ne rend compte de certains traits marquants du problème. Au nombre de ceux-ci, l’indifférence active – la collaboration de l’indifférence – des neuf dixièmes de la population européenne. Ou encore la décision calculée du gouvernement national-socialiste, à la pire période de la guerre économique, de liquider les juifs plutôt que de les exploiter à des fins commerciales et industrielles bien évidentes. Peut-être plus inexplicable encore est la survivance d’un antisémitisme virulent là où il ne subsiste plus qu’une poignée de juifs, comme dans l’Europe de l’Est aujourd’hui. Le mystère, au sens théologique du terme, est celui d’une haine qui survit à son objet.
Nous n’avons pas affaire, j’en suis persuadé, à un monstrueux accident de l’histoire de la société moderne. L’holocauste n’est pas la conséquence d’un état morbide individuel ou des névroses d’une seule nation. En fait, des observateurs compétents s’attendaient à voir le cancer s’installer d’abord, et sans rémission possible, en France. Nous ne sommes pas, bien qu’on s’y trompe souvent, en face d’un cas de massacre parmi d’autres, comme celui des Gitans ou, précédemment, des Arméniens. La technique, le langage de la haine présentent des similitudes, mais ni ontologiquement ni au niveau de l’intention philosophique. Cette intention nous conduit droit au coeur de certaines failles de la culture occidentale, aux points où convergent la vie religieuse et celle de l’instinct. Le mot de Hitler : « La conscience est une invention juive », fournit un indice. «
Michel-Ange est né le 6 mars 1475 en Toscane. Peintre, sculpteur, artiste éminent, il est reconnu comme l’un des plus grands génies de la Renaissance. Parmi ses œuvres les plus célèbres, on peut citer une Pietà ou encore le David de marbre.
Rome lui commande aussi de peindre le plafond de la chapelle Sixtine, ce qui lui prendra quatre années (1508-1512). C’est à ce plafond, qu’on peut admirer le détail de ce Dieu créateur, le doigt tendu vers celui d’Adam.
Michel-Ange meurt à Rome le 18 février 1564 à l’âge de 89 ans.