Un Dieu qui parle - Clés de lecture
Dans la culture judéo-chrétienne, les Ecritures – ou plus communément la Bible – sont constituées d’un ensemble de textes. Ces textes sont, d’une part, la Bible hébraïque désignée aussi par l’expression Premier ou « Ancien » Testament et, d’autre part, le Second ou « Nouveau » Testament. Ils proviennent de diverses traditions orales et de témoignages qui ont été mis par écrit puis regroupés à la suite d’un long processus.
Le Dieu, que nous pouvons découvrir dans les Ecritures, se révèle – ou autrement dit se manifeste, c’est le sens du verbe révéler dans le texte de Théo Pfrimmer Professeur de théologie pratique à la faculté de théologie protestante de Strasbourg. Il a publié entre autres aux P.* – selon des récits spécifiques. Ainsi dans l’Ancien Testament, Dieu apparaît à certains personnages et entre en contact avec eux selon différents procédés : l’appel, l’apparition, le don de la loi, l’aide protectrice.
Dans le Nouveau Testament, Dieu se manifeste à travers Jésus-Christ. Dieu se fait homme en la personne de Jésus, cet événement est désigné par le terme d’incarnation Ce mot vient du latin et signifie « acte de prendre chair ». En théologie chrétienne, l’incarnation est le processus qui permet à Dieu de prendre forme humaine en la personne de Jésus.*. Jésus-Christ transmet un message et un enseignement qui peut provoquer un changement de comportement ou de compréhension de soi et du monde chez les personnes qu’il rencontre. Il confie également aux apôtres Les apôtres sont les douze disciples que Jésus a choisis. Le mot apôtre vient du grec apostolos et signifie au sens littéral : l’envoyé.* le soin de poursuivre cette transmission.
Dans l’Ancien Testament et davantage encore dans le Nouveau Testament, Dieu s’adresse donc à l’être humain par la parole. A l’intérieur d’un récit qui était d’abord oral et qui est aujourd’hui écrit, on assiste à une mise en scène littéraire de la parole de Dieu. Selon les récits, cette parole peut revêtir différentes formes.
Dans l’Ancien Testament, elle peut prendre la forme d’un appel qui constitue le premier temps de la vocation Du mot latin vocatio issu du verbe vocare : appeler. Dans le contexte des récits de vocation de l’Ancien Testament, Dieu appelle un être humain à se mettre en mouvement et à accomplir une mission.*, ou bien la forme d’un ordre (textes de loi). Ainsi dans le célèbre passage du décalogue Ce mot est formé de deux mots grecs : deka qui signifie dix et logos qui signifie la parole. Décalogue veut donc dire les dix paroles, d’où l’expression courante : « les dix commandements ».*, Dieu prononce les dix paroles (ou dix commandements) que Moïse est appelé à écrire.
Dans le Nouveau Testament, Jésus parle mais n’écrit rien. Une seule exception se trouverait éventuellement dans le passage intitulé La femme adultère (Evangile de Jean, chapitre 8) mais le geste d’écriture de Jésus reste énigmatique. Son enseignement est essentiellement basé sur l’oralité et s’exprime sous forme de paraboles.
Dans de nombreux textes de l’Ancien Testament, Dieu rencontre les êtres humains directement dans des conditions singulières. L’appel des « élus » se présente dans les textes sous forme de récits de vocation. Ces hommes ont un rôle d’intermédiaires entre Dieu et son peuple ; ils sont les seuls à pouvoir s’approcher de Dieu, à entendre, comprendre et transmettre ses paroles mais sans le voir réellement. Le mode de rencontre est illustré avec force tonnerre, éclairs, nuées et feu (excepté pour le prophète Elie Elie est un prophète de l'Ancien Testament (1 Rois 17). Il symbolise les prophètes, tout comme la figure de Moïse représente la loi.*). Le sens de l’audition est généralement davantage sollicité que le sens de la vue : on entend Dieu, on ne le voit pas.
Le but peut être de choisir en quelque sorte des guides pour prendre en main le destin de son peuple ; il en est ainsi d’Abraham ou de Moïse. Il peut être d’annoncer les instructions de Dieu aux rois, de leur prodiguer des conseils ou de les mettre en garde. C’est le cas des prophètes. Le prophète Natan est un bon exemple.
Les anges Le mot ange vient du mot grec angelos dont le premier sens est porteur d’une nouvelle, messager ou envoyé.* constituent une autre catégorie d’intermédiaires qui portent la parole de Dieu. Dans le Nouveau Testament, nous pouvons voir le rôle des anges dans l’annonce de la naissance de Jean Baptiste et de celle de Jésus.
L’appel, dans l’Ancien Testament, se place dans un récit de vocation. Il s’agit d’un récit où Dieu, pour accomplir ses desseins, appelle un être humain. La personne choisie est souvent la première surprise ! Le récit se développe selon un schéma précis propre à ce genre littéraire.
La vocation est un peu différente dans le Nouveau Testament : Jésus est porteur de la parole de Dieu, voire il est la parole de Dieu pour Jean, mais des relais sont nécessaires. Les disciples qu’institue Jésus sont des gens simples, de modestes pêcheurs qui le suivent généralement sans discussion et sans hésitation. L’annonce de l’Evangile Le mot évangile est un mot grec qui signifie "bonne nouvelle". On distingue deux compréhensions.* est confiée aux premiers témoins indépendamment de leur condition sociale, seule leur foi est décisive. La tradition orale commence avec ceux qui ont entendu cette Parole et est tributaire de la manière dont ils l’ont comprise.
Cette expression « tutoyeur d’hommes » indique une relation de proximité entre Dieu et les hommes. Le tutoiement – dans les langues qui possèdent aussi le vouvoiement – s’utilise entre deux personnes qui se connaissent bien, qui ont des liens d’amitié. L’expression est relayée à la fin du texte par la proposition : établissant pour de bon des relations je-tu (cf. Bibliographie). C’est dire l’importance de cette relation de proximité où Dieu parle en premier, où l’être humain répond ensuite en se mettant en marche. C’est particulièrement ressenti dans le protestantisme si bien qu’on désigne parfois les protestants comme des tutoyeurs de Dieu.
La foi commence dans l’écoute de la parole de Dieu. Le dialogue revêt plusieurs modalités : la lecture des Ecritures, le culte, la prière.
L’expression hébraïque emmanuel signifie : « Dieu avec nous ». Toute la Bible affirme cela, l’Ancien Testament avec des modalités différentes du Nouveau Testament. Dans cette perspective, l’auteur a-t-il raison d’affirmer que « Avec le temps, il deviendra Emmanuel, celui qui est avec » ? Dieu n’a-t-il pas toujours été déjà là ? Si nous nous référons à l’Ancien Testament, Dieu est créateur du monde et de l’être humain dans le récit de la Genèse. Il est avec l’être humain dès les premiers instants et assigne à celui-ci une place centrale dans la création puisque l’être humain (Adam) donne un nom à tout ce qui existe (Genèse 2,19-20).
Dans l’Ancien Testament, l’accompagnement de Dieu prend quatre formes différentes :
- De nombreux récits évoquent une aide spectaculaire qui relève du prodige. Ce dernier est visuel et aisément repérable. Un des épisodes les plus célèbres est sans doute les dix plaies d’Egypte.
- Le don de la loi et de codes législatifs a pour but l’organisation d’une société complexe dotée d’un système juridique qui permet de réguler les rapports entre les êtres humains ainsi que les rapports entre les êtres humains et Dieu dans le culte qu’ils lui rendent. Dieu est non seulement un accompagnateur mais aussi un éducateur.
- L’aide de Dieu revêt la forme d’un discours particulier : la promesse qui incite certains « élus » à se mettre en mouvement en toute confiance. La promesse atteste d’un accompagnement de Dieu sur le long terme.
- L’aide de Dieu est aussi une alliance. L’alliance est plus large que la promesse, elle concerne tout le peuple et les générations à venir. Elle peut être accompagnée d’une contrepartie constituée de règles que le peuple doit respecter.
Dans le Nouveau Testament, l’accompagnement de Dieu s’exprime différemment : avant tout à travers la personne de Jésus Christ, ses paroles et ses actes. La mission de Jésus est clairement évoquée et se réfère au discours du prophète Esaïe : « Voici mon serviteur, celui que j’ai choisi » (Matthieu 12,15). Cependant, elle suscite le doute et les quatre évangiles relatent de nombreux récits de miracles qui permettent de « persuader » les êtres humains du pouvoir qui a été transmis par Dieu au Christ. La vue d’un miracle permet à certains de se mettre en mouvement pour témoigner et de changer le cours de leur existence. C’est ce que l’on peut appeler au sens premier du terme un processus de conversion (le mot latin conversio signifie : action de tourner, changement de direction). Jésus n’a de cesse d’aller à la rencontre des humains et de leur parler. Son enseignement est sous forme de paraboles et sa portée est associée à l’envoi en mission et à la transmission de la Parole.
L’expression utilisée dans ce texte « chair de notre chair » fait allusion à l’exclamation d’Adam découvrant un être semblable à lui : Eve (Genèse 2,23). Elle fait aussi référence à un terme plus complexe, celui d’incarnation. Non seulement il existe au sein du christianisme une pluralité de compréhensions de ce terme, mais c’est également une pierre d’achoppement entre christianisme, judaïsme et islam. Pour les chrétiens, Dieu s’est incarné en un homme, Jésus de Nazareth, qui s’inscrit dans une généalogie. Cette généalogie a pour but de montrer que Jésus est vraiment homme mais qu’il est aussi fils de Dieu. Cette affirmation constitue la centralité du dogme chrétien.
Une relation d’équivalence suppose que les personnes sont sur un pied d’égalité. Ainsi dans les récits du Nouveau Testament, nous pouvons constater que Jésus ne se contente pas d’enseigner à ses disciples. Il va plus loin : il leur délègue le soin de transmettre ce qu’ils ont reçu aux autres hommes. Cette transmission se poursuit dans le récit des Actes des Apôtres dans lequel Paul Paul, dont le nom hébraïque est Saul, est né à Tarse en Cilicie entre 5 et 15 puis il se rend à Jérusalem. S’il est contemporain de Jésus sans le rencontrer, il découvre la foi chrétienne suite à des contacts conflictuels avec les disciples de Jésus.* est la figure paradigmatique de l’apôtre en mission. Il transmet le caractère universel du message évangélique.
Cependant Jésus établit d’autres relations d’équivalence : il parle également aux exclus de la société. Le fait de leur adresser la parole les restitue dans leur dignité d’êtres humains et ainsi leur signifie qu’ils comptent pour autrui. Jésus n’hésite pas à s’adresser aux péagers, aux prostituées, aux étrangers, aux lépreux, aux démoniaques et à les guérir pour certains d’entre eux.