Un Dieu qui parle - Aller plus loin
Ce qui me paraît constitutif du religieux, c’est donc le fait de faire crédit à une parole, selon un certain code, dans les limites d’un certain canon. Je proposerais volontiers, pour développer ce point, l’idée d’une série de « cercles herméneutiques »: je connais cette parole, parce qu’elle est écrite, cette écriture parce qu’elle est reçue et lue; et cette écriture est acceptée par une communauté, qui, par conséquent, accepte d’être déchiffrée par ses textes fondateurs; or c’est cette communauté qui les lit. Donc d’une certaine façon, être un sujet religieux, c’est accepter d’entrer ou d’être déjà entré dans cette grande circulation entre une parole fondatrice, des textes médiateurs, et des traditions d’interprétation; je dis des traditions car j’ai toujours été convaincu qu’il y avait une multiplicité d’interprétations à l’intérieur même du message judéo-chrétien, et donc un certain pluralisme, une certaine compétition entre traditions d’écoute et d’interprétation.Ricoeur, Paul, La critique et la conviction, Paris:Calman-Levy 1995, p. 219.
« Le Dieu de la Bible est un Dieu personnel, certains diront anthropomorphique. Il a une volonté propre, il éprouve des sentiments tels que la colère ou l’amour. Il a des projets et des préférences. Le Dieu de l’Ancien Testament a fait le choix d’être aux côtés du petit peuple d’Israël. Le Dieu que nous prêche Jésus dans les Evangiles a une prédilection particulière pour les petits, les pauvres et les pécheurs. C’est un Dieu plus éthique que véritablement métaphysique et universel. Et le Dieu de saint Paul est d’abord celui qui ressuscite une victime, Jésus-Christ, parce qu’elle est innocente ».
Alain Houziaux, Dix questions simples sur Dieu et la religion, (Espaces libres), Paris:Albin Michel, 2007, p. 162.
« Pour lui [le christianisme], le salut n’est pas d’abord une réalité à laquelle on peut parvenir et dont on peut faire l’expérience. Il est d’abord une proclamation à laquelle il faut croire « sur parole ». Le salut est déjà présent par le simple fait qu’il est annoncé et proclamé. C’est là la « bonne nouvelle » ».
Alain Houziaux, Dix questions simples sur Dieu et la religion, (Espaces libres), Paris:Albin Michel, 2007, p. 102.
« Ainsi, la foi est d’abord et avant tout une sensibilité à une interpellation incarnée par la prédication de Jésus-Christ. Cette prédication prêche une manière de voir les hommes comme des pécheurs pardonnés, le monde comme un don et la vie comme une grâce. »
Alain Houziaux, Dix questions simples sur Dieu et la religion, (Espaces libres), Paris:Albin Michel, 2007, p. 202.
Les articles XIV et XV de la Confession de foi de la Rochelle, reprennent les deux affirmations du Concile de Chalcédoine : Premièrement, il y a unité de la personne du Christ. Deuxièmement, Jésus-Christ est à la fois vrai Dieu et vrai homme.
Article XIV. – Nous croyons que Jésus-Christ, étant la sagesse de Dieu et son Fils éternel, a revêtu notre chair afin d’être Dieu et homme en une personne, et même homme semblable à nous, homme en corps et en âme, et ne différant de nous qu’en ce qu’il a été pur de toute macule. Et, quant à son humanité, nous croyons qu’il a été de la vraie semence d’Abraham et de David, quoiqu’il ait été conçu par la vertu secrète du Saint-Esprit. (…)
Article XV. – Nous croyons qu’en une même personne, à savoir Jésus-Christ, les deux natures sont vraiment et inséparablement conjointes et unies, chaque nature demeurant néanmoins en sa distincte propriété, tellement que, comme en cette conjonction la nature divine retenant sa propriété est demeurée incréée, infinie, et remplissant toutes choses, aussi la nature humaine est demeurée finie, ayant sa forme, mesure et propriété, et même, quoique Jésus-Christ, en ressuscitant, ait donné l’immortalité à son corps, toutefois il ne lui a pas ôté la vérité de sa nature. Et ainsi nous le considérons de telle manière en sa divinité que nous ne le dépouillons point de son humanité.
Roger Mehl, Explication de la confession de foi de la Rochelle, Paris:Les Bergers et les Mages, 1959.
« La théologie de la Croix – c’est-à-dire la théologie selon laquelle Dieu lui-même est mort en Christ – ne signifie rien en dehors d’une transmutation correspondante de la lamentation. L’horizon vers lequel se dirige cette sagesse me paraît être un renoncement aux désirs mêmes dont la blessure engendre la plainte : renoncement d’abord au désir d’être récompensé pour ses vertus, renoncement au désir d’être épargné par la souffrance, renoncement à la composante infantile du désir d’immortalité (…). Pareille sagesse est peut-être esquissée à la fin du livre de Job, quand il est dit que Job est arrivé à aimer Dieu pour rien, faisant ainsi perdre à Satan son pari initial. Aimer Dieu pour rien, c’est sortir complètement du cycle de la rétribution, dont la lamentation reste encore captive, tant que la victime se plaint de l’injustice de son sort. »
Paul Ricoeur, Le mal. Un défi à la philosophie et à la théologie, Genève:Labor et Fides, 2004, pp. 64-65.
« Dire non à la souffrance, c’est dire non à la vie elle-même tout entière. Et en revanche, le oui à la vie implique le oui à la souffrance. La souffrance nous fait « éprouver », c’est-à-dire ressentir la vie et sa force tumultueuse. On appréhende la texture de la vie, sa force et sa ténacité plus par la souffrance que par le bonheur. On éprouve la vie plus à travers les souffrances qu’à travers les moments de bonheur. Les moments de vie qui ont à voir avec la souffrance nous marquent plus que ceux qui ont à voir avec le bonheur. C’est l’amour pour la vie qui nous fait accepter la souffrance. Et l’amour de la vie, c’est, de la même manière, l’amour pour Dieu. L’amour pour la vie s’exprime comme une forme d’amour pour le Dieu qui nous la donne. »
Alain Houziaux, Dix questions simples sur Dieu et la religion, (Espaces libres), Paris:Albin Michel, 2007, p. 131.