Bien des manières de vivre la différence - Clés de lecture
Une manière de dire l’identité
Le mot " identité " est généralement utilisé à propos du sujet humain pour exprimer le coeur même de son être. L'identité dit ce que l'on est, ce qui anime les choix les plus fondamentaux
. chrétienne est d’exprimer le » spécifique chrétien « , c’est-à-dire sa différence essentielle avec d’autres religions.
Dès les débuts de l’Eglise, on cherche à préciser l’identité chrétienne. Or certains textes diffusés dans les premiers siècles colportaient des doctrines ou des portraits de Jésus qui ne paraissaient pas s’inscrire dans la fidélité au message des apôtres. Il fallait donc réagir et faire un tri : on va s’entendre sur une liste close d’écrits » canoniques » (du grec
L’identité confessionnelle réside dans une manière particulière de vivre l’identité chrétienne, manière
En période de séparation, on voit les diverses Eglises se réclamer chacune exclusivement de la fidélité et de l’authenticité chrétiennes. Chacune demande alors l’allégeance à ses propres institutions ou doctrines. Ce sont elles qui conditionneraient alors l’appartenance à la véritable Eglise de Jésus-Christ. On ne peut oublier que les identités confessionnelles se sont construites et cristallisées dans l’histoire à partir d’événements de rupture. Sans doute chacune des parties entendait-elle justifier sa position par des raisons de foi et de fidélité au message chrétien originel en insistant sur des éléments positifs. Mais la naissance d’une nouvelle Eglise s’est faite aussi de manière très polémique s’accompagnant d’aspects de refus et d’agressivité à l’égard de la manière dont d’autres chrétiens vivaient leur identité chrétienne. Au cours des siècles, des Eglises (ou des responsables d’Eglises) se sont condamnées réciproquement. On trouve ainsi de nombreux exemples de polémique violente et de condamnation entre catholiques, orthodoxes et protestants.
Dans un tel contexte polémique, la recherche de l’unité est souvent comprise comme l’absorption d’une Eglise par une autre. On cherche à faire entrer les membres d’autres Eglises dans sa propre Eglise. On ne songe alors qu’à sa propre identité en sacrifiant celle des autres : si une seule Eglise a raison, les autres doivent abandonner leurs manières de voir et de faire.
Une des premières tâches du dialogue œcuménique est donc de lever les condamnations qui ont été proférées au cours de l’histoire.
Un premier pas sur le chemin de l’unité consiste à reconnaître que les différences peuvent être sources d’enrichissement mutuel. L’Eglise n’est pas un bloc monolithique avec une seule manière de vivre et de témoigner de l’Evangile. Ainsi on réalise que les différences d’approche, de compréhension, d’organisation et d’actualisation du message évangélique existent depuis toujours et ne sont pas inévitablement facteurs de division. Le même message a été traduit dans des contextes variés qui ne sont pas réductibles à l’uniformité. Ainsi, les traditions variées qui ont essayé de s’adapter au contexte de leur temps peuvent aujourd’hui être des opportunités d’interpellation mutuelle au lieu d’occasionner conflits et exclusions réciproques.
Il importe de réaliser que la diversité est généralement acceptée quand tous les partenaires du dialogue ont l’impression de ne pas devoir trahir l’essentiel de leurs convictions et que l’on discute d’égal à égal, sans que l’un des partenaires ne prétende confisquer le sens du message. L’ouverture que représente une telle manière de voir est évidente : au lieu de condamner, on valorise des approches différentes. C’est une étape qui peut mener à un enrichissement mutuel des partenaires s’ils restent en dialogue.
Pourtant, le risque en est de consolider le statu quo. Les Eglises se satisfont alors de la condition de séparation ou de relations floues qui ne sont plus considérées comme séparatrices. On juge possible de conserver paisiblement les identités de tous sans se demander si certaines conversions ne s’imposent pas.
Le mouvement œcuménique refuse le statu quo de la division. Le Groupe des Dombes
Actuellement composé de 40 théologiens français et suisses (20 catholiques, 20 protestants). Sa fondation en 1937 est due à l'initiative des prêtres lyonnais P. a particulièrement souligné la nécessité d’une conversion
Le mot conversion a des significations multiples. L'étymologie du mot grec metanoia signifie " changement de regard, changement d'idée ". confessionnelle des Eglises. Les identités confessionnelles sont en effet un héritage au sein duquel il faut opérer un discernement afin d’en recueillir toutes les valeurs positives tout en sachant reconnaître leurs limites et leurs insuffisances. Chaque Eglise doit donc opérer un discernement dans son propre héritage. Bien sûr, les conversions à opérer sont différentes pour chacune des Eglises.
Le mouvement œcuménique peut ainsi prendre la forme d’un processus de conversion : il s’agit pour chacun de retrouver des éléments de fidélité à l’Evangile qu’il a pu perdre ; il est amené aussi à considérer comme non décisives certaines de ses propres particularités et celles de l’autre.
L’exigence de conversion invite les Eglises à s’ouvrir les unes aux autres, à se laisser pénétrer par les valeurs dont les autres sont porteuses. Il n’est en effet pas suffisant pour les Eglises de se dire complémentaires. Chaque Eglise doit apprendre à reconnaître que tel ou tel élément de la foi chrétienne est vécu de manière plus fidèle dans une autre tradition confessionnelle ; humblement, elle peut reconnaître qu’elle gagnerait à intégrer cet élément dans sa propre vie. Le décret de Vatican II sur l’oecuménisme reconnaît par exemple que » certains aspects du mystère révélé [ont] été parfois mieux saisis et mieux exposés » dans les Eglises d’Orient que dans les Eglises d’Occident (Unitatis Redintegratio, 17). Une Eglise peut ainsi recevoir les dons d’une autre Eglise et vice versa. Un tel échange des dons entre les Eglises, dans leur complémentarité, rend féconde la communion.