Vivre - Contexte
Albert Camus (1913-1960) est un écrivain et un philosophe français. Son œuvre traduit une vision pessimiste du monde et de la vie : selon lui, la vie n’a pas de sens, le monde est « absurde ». L’homme est « condamné » à vivre et à mourir, il est « jeté dans ce monde » et soumis au hasard. La seule liberté de l’homme est de se révolter contre cette absurdité. Cette pensée intellectuelle n’empêche pas Camus d’exprimer une certaine forme de joie de vivre, notamment dans son recueil, Noces (1938). Il célèbre les noces entre le corps et la nature : un plaisir des sens exalté par la beauté de la mer, du soleil. Le corps est au centre d’une telle expérience de vie.
Dans la Bible, le corps ne se réduit pas à l’enveloppe charnelle : il désigne la personne toute entière (corps, âme et esprit). L’être humain est un tout et non l’addition d’un corps et d’un esprit. Ainsi, lorsque ce corps fait défaut, c’est-à-dire lorsqu’il est meurtri par la maladie, la douleur ou le handicap, c’est bien toute la personne qui est meurtrie. C’est la vie toute entière de l’individu qui est blessée.
La vie d’un être humain a différentes dimensions. La dimension la plus évidente est biologique : la vie humaine est marquée par un début et une fin, une naissance et une mort. Il existe de nombreux débats qui cherchent à définir plus précisément à quel moment cette vie biologique débute et s’arrête. La vie humaine a aussi une dimension intellectuelle. Les chrétiens pensent que l’homme est un être libre, capable de penser, de faire des choix, bref, qu’il est un être responsable. La vie humaine a aussi une dimension spirituelle. Les chrétiens pensent que cette vie spirituelle est plus forte que la mort parce qu’elle repose dans la relation que le croyant a avec Dieu tout au long de sa vie et au-delà de sa vie. C’est ce qu’ils appellent la vie éternelle.
Pour les chrétiens, toutes les dimensions de la vie sont miraculeuses. C’est-à-dire qu’elles trouvent leur origine en Dieu. C’est Dieu qui est l’initiateur et le créateur de la vie. Les hommes sont donc des créatures qui doivent leur vie ni à eux-mêmes, ni à d’autres, ni au hasard, mais à Dieu.
Les librairies regorgent d’ouvrages proposant des méthodes pour « réussir sa vie ». On peut s’interroger sur les critères d’une telle réussite. Certains peuvent partir en quête d’une reconnaissance sociale : le travail ou l’argent en sont souvent les critères. D’autres parlent plutôt de réussite dans le domaine privée : il s’agit alors de s’épanouir, de réussir sa vie familiale, son couple, l’éducation de ses enfants.
Mais l’expression « réussir sa vie » soulève une problématique plus générale. « Réussir sa vie » sous-entend qu’on peut la rater comme s’il s’agissait d’une sorte de concours. La vie devient alors une mise à l’épreuve où l’individu se doit d’acquérir pour lui-même ou pour les autres ce qui lui permettra de bien vivre. L’individu devient l’acteur principal de sa vie, il en est maître et c’est de lui que dépend sa réussite ou son échec. Le but ultime de la vie est alors de l’élever jusqu’à un certain niveau d’accomplissement, de parvenir à l’idéal qu’on s’est fixé.
De telles volontés de réussite sont tout à fait légitimes : chacun aspire à vivre en harmonie avec soi-même, dans son couple, à son travail. Les chrétiens rendent toutefois attentif au fait qu’il ne s’agit pas de confondre le moyen et le but. S’il y a des moyens qui permettent de vivre mieux et bien, ils ne sont pas nécessairement des objectifs à atteindre et en dehors desquels il n’existerait pas de vie heureuse. Les chrétiens croient qu’ils ne sont pas maîtres de leur vie, en ce sens qu’ils ne peuvent pas en maîtriser tous les aspects : la vie réserve assez de surprises (bonnes ou mauvaises) pour s’en convaincre. Ainsi, il ne s’agit pas tant de « réussir sa vie » que de « vivre », c’est-à-dire recevoir cette vie chaque jour comme un don de Dieu même si ce don n’est pas un gage de satisfaction parfaite et permanente.