Vivre - Aller plus loin
Extrait d’un article d’Evelyne Schaller paru en 2007 dans Le Messager, hebdomadaire protestant régional d’Alsace et Moselle :
« Nous vivons dans un monde où la science fait des progrès phénoménaux : la durée de vie dépasse souvent la force du corps, l’on peut choisir le moment le plus favorable dans nos projets de vie pour la procréation, il devient possible de choisir la couleur des yeux, le sexe ou d’autres caractéristiques de l’enfant à venir, comme dans un supermarché. Beaucoup de nos contemporains se posent néanmoins des questions sur ces nouvelles technologies, sur l’euthanasie, la fécondation assistée, l’avortement thérapeutique ou encore sur les dérives du clonage génétique. C’est pour répondre à de telles questions existentielles que les éditions protestantes Olivétan proposent une petite collection intitulée « Convictions et société ». Il s’agit d’établir un trait d’union entre une société confrontée à de nouvelles problématiques et un protestantisme qui ose des pistes de réflexion audacieuses. Dans le cadre de cette collection, Jean-François Collange, actuellement président de l’Union des Eglises protestantes d’Alsace et de Lorraine mais aussi professeur d’éthique émérite à la faculté de théologie protestante de Strasbourg et ancien membre du Comité consultatif national d’éthique, de 1996 à 2004 propose une réflexion consacrée à la bioéthique (1).
Il rappelle l’objectif principal: l’importance d’être lu et entendu dans un monde laïc : « J’ai voulu montrer qu’il est possible d’aborder les problèmes éthiques d’une manière plus ouverte que celle qui est généralement véhiculée. Je suis aussi parti du constat que les points de vue qui ne sont pas réactionnaires sont mieux entendus ». Pour mieux faire comprendre l’évolution technique et scientifique galopante, le théologien prend d’abord soin de poser le concept de la bioéthique dans l’histoire de la médecine et de la science. Les enjeux pourront être mieux cernés si on comprend qu’il y a là le fruit d’une triple évolution: celle de la médecine après la seconde guerre mondiale, de la génétique et des techniques chirurgicales. C’est dans ce creuset d’avancée des sciences que se pose la nécessité d’une réflexion sur la bioéthique. Jean-François Collange définit la mission de celle-ci de la manière suivante : « La bioéthique se donne pour tâche d’ouvrir le monde des sciences, de la vie et de la santé aux conditions de son utilisation d’un point de vue moral ou éthique ». Mais c’est une tâche difficile, jouant avec les différentes sensibilités, religieuses, culturelles, historiques et bien d’autres encore.
Ces nuances et précautions sont exprimées par le titre de son livre : « La vie, quelle vie ? ». Pour le théologien, il est absolument nécessaire de bien poser les marques de la vie avant toute chose. À quel moment peut-on parler de vie ? Dès que deux cellules se rencontrent ou au moment où l’embryon devient un vrai projet de vie porté par ses parents ? Et jusqu’à quand peut on parler de vie décente et digne d’être vécue ? Aussi longtemps qu’il y a un souffle ou aussi longtemps que l’on peut s’assumer ? Autant de questions très difficiles qui sont abordées ici sous l’angle du respect de la personne humaine dans sa dimension relationnelle plutôt que sous celui de la sacralité de la vie strictement biologique. Conforme en cela à la tradition du protestantisme français qui se méfie d’un principe de vie érigé en valeur absolue, Jean François Collange met cependant en garde contre les dérives des techniques : « Si l’idolâtrie de la vie est poussée à l’extrême chez certains, d’autres en arrivent à une marchandisation de la vie ou pire encore, à une instrumentalisation des corps ». « La technique peut chercher à s’ériger en loi toute puissante », dit-il encore. En somme une tour de Babel qui vise plus haut que Dieu et divise plutôt qu’elle ne rassemble l’humanité. Jean-François Collange ne s’érige pas en donneur de leçon mais, avec beaucoup de clarté et d’humilité, pose surtout des questions et montre à quel point la démarche éthique est exigeante. « La position éthique, c’est de se tenir en réserve », précise-t-il et, se rapportant au philosophe Emmanuel Levinas: « Il n’y a qu’un seul péché, c’est de vouloir être à la place de l’autre ».
Dans son ouvrage, le théologien fait un tour rapide mais complet des positions juives, musulmanes, catholiques et protestantes sur les principales questions bioéthiques avant d’approfondir ce qui concerne le début de la vie – le statut de l’embryon, l’IVG, l’assistance médicale à la procréation… -, les clonages, les transplantations d’organes et toutes les questions liées à la fin de vie. S’il se déclare globalement optimiste – « l’aventure de la vie est si extraordinaire dès ses origines sur la planète et au-delà des événements dévastateurs qu’elle a déjà vécus… » -, il se montre extrêmement vigilant pour ce qui concerne les avancées du clonage reproductif : « Le laisser-faire des États-Unis d’une part, et la position intransigeante du Vatican d’autre part, ont empêché qu’une interdiction mondiale du clonage reproductif soit adoptée par l’ONU. Or il est urgent d’empêcher ce que l’on peut ici qualifier d’aberration ». Les enjeux sont en effet de taille pour l’être humain car il en va de sa liberté et de son identité, voire de l’avenir de l’humanité entière. »
(1) Jean-François Collange, La vie, quelle vie ? Bioéthique et protestantisme, Lyon : Olivétan, 2007.
Dans cet extrait, l’auteur explique ce que peut être l’expérience de la rencontre avec Dieu. Il expose les changements qu’une vie en Dieu provoque chez le croyant. Selon lui, la vie repose alors d’avantages sur la confiance que l’homme peut établir avec Dieu : cette confiance est vécue comme une délivrance, comme une vie nouvelle.
Michel Bertrand, Devant Dieu, Lyon : Les Bergers et les Mages, 2002 p.13-14 :
« Se tenir devant Dieu n’est pas de l’ordre d’un savoir, d’une évidence, mais d’une rencontre personnelle avec Christ. Une rencontre qui sauve, qui libère, qui pardonne, qui guérit. […] Une rencontre qui n’est pas le fruit des œuvres humaines et des exploits religieux, mais le résultat d’un acte d’amour dont Dieu a l’initiative. Si nous pouvons nous tenir devant Lui c’est parce que lui-même s’approche de nous tels que nous sommes. Cette rencontre n’est pas forcément spectaculaire. Elle n’a pas lieu un jour, une fois pour toutes. Mais elle est chaque jour cet événement par lequel une femme, un homme, se sent et se sait accueilli, aimé gratuitement par Dieu, quelles que soient ses performances ou ses défaillances spirituelles.
Dans cette position « devant Dieu » nous recevons notre identité véritable. Nous sommes reconnus et « justifiés » comme nous disons nous protestants, c’est-à-dire mis à notre juste place, dans une juste relation avec Dieu et avec les hommes. La foi est cette « confiance » disait Luther, cette confiance qui « nous arrache à nous-mêmes et nous établit hors de nous, pour que nous ne prenions pas appui sur nos forces, sur notre conscience, nos sens, notre personne, nos œuvres, mais que nous prenions appui sur ce qui est au-dehors de nous : la promesse et la vérité de Dieu qui ne peuvent tromper ». Une telle confiance n’est pas une disposition de l’esprit, une qualité morale ou un pouvoir humain, mais elle est l’œuvre du Christ en nous, certitude imprenable qui leste et enracine nos existences, assurance de sa présence même lorsqu’il nous arrive de l’oublier, puissance sans laquelle nous ne pourrions ni croire, ni vivre, ni espérer.
Cette confiance s’exprime notamment lors des récits de guérison. Dans ce passage de Marc, on voit des gens s’approcher de Jésus, le supplier avec une certitude à la fois totale et chancelante comme par exemple le père de l’enfant possédé quand il crie : « je crois, viens au secours de mon manque de foi » (9/24). Enfermé dans son tourment et son malheur cet homme pressent confusément que sans cette démarche de compassion du Christ vers lui, sa propre foi demeurerait infirme. La foi est tout entière dans cette rencontre, dans cette confiance qui nous tourne vers Dieu malgré nos limites et nos faiblesses. »
Luc Ferry, Apprendre à vivre. Traité de philosophie à l’usage des jeunes générations, Paris : Plon, 2006.
Dans ce livre, le philosophe Luc Ferry propose une initiation à la philosophie en présentant de la manière la plus claire possible ses grands courants de pensée. Le titre de son ouvrage (Apprendre à vivre) laisse présager que la philosophie est justement un exercice intellectuel indispensable pour quiconque s’interroge sur le sens de sa vie. Dès le premier chapitre (« Qu’est-ce que la philosophie ? »), l’auteur indique que la condition humaine impose le travail philosophique : c’est bien parce qu’il a conscience de sa propre mort comme de celle des autres que l’homme part en quête de signification pour sa propre vie.
p.18-19 :
« La mort elle-même – le point est crucial si tu veux comprendre le champ de la philosophie – n’est pas une réalité aussi simple qu’on le croit d’ordinaire. Elle ne se résume pas à la « fin de la vie », à un arrêt plus ou moins brutal de notre existence. Pour se rassurer, certains sages de l’Antiquité disaient qu’il ne faut pas y penser puisque, de deux choses l’une : ou bien je suis en vie, et la mort, par définition, n’est pas présente, ou bien elle est présente et, par définition aussi, je ne suis plus là pour m’inquiéter ! Pourquoi, dans ces conditions, s’embarrasser d’un problème inutile ?
Le raisonnement, malheureusement, est un peu trop court pour être honnête. Car la vérité, c’est que la mort, à l’encontre de ce que suggère l’adage ancien, possède bien des visages différents dont la présence est paradoxalement tout à fait perceptible au cœur même de la vie la plus vivante.
Or c’est bien là ce qui, à un moment ou à un autre, tourmente ce malheureux être fini qu’est l’homme puisque seul il a conscience que le temps lui est compté, que l’irréparable n’est pas une illusion et qu’il lui faut peut-être bien réfléchir à ce qu’il doit faire de sa courte vie. Edgar Poe, dans un de ses poèmes les plus fameux, incarne cette idée de l’irréversibilité du cours de l’existence dans un animal sinistre, un corbeau perché sur le rebord d’une fenêtre, qui ne sait dire et répéter qu’une seule formule : Never more – « plus jamais ».
Poe veut dire par là que la mort désigne en général tout ce qui appartient à l’ordre du « jamais plus ». Elle est, au sein même de la vie, ce qui ne reviendra pas, ce qui relève irréversiblement du passé et que l’on n’a aucune chance de retrouver un jour. Il peut s’agir des vacances de l’enfance en des lieux et avec des amis qu’on quitte sans retour, du divorce de ses parents, des maisons ou des écoles qu’un déménagement nous oblige à abandonner, et de mille autres choses encore : même s’il ne s’agit pas toujours de la disparition d’un être cher, tout ce qui est de l’ordre du « plus jamais » appartient au registre de la mort.
Tu vois, en ce sens, combien elle est loin de se résumer à la seule fin de la vie biologique. Nous en connaissons une infinité d’incarnations au beau milieu de l’existence elle-même et ces visages multiples finissent par nous tourmenter, parfois même sans que nous en ayons tout à fait conscience. Pour bien vivre, pour vivre libre, capable de joie, de générosité et d’amour, il nous faut d’abord et avant tout vaincre la peur. »