Prier - Textes bibliques
Le mot « prière » vient du latin precare qui signifie « supplier ». Ainsi dans le langage courant, on retrouve cette connotation de « supplique », de « demande ». Or, dans la Bible, la prière principale est la louange, celle qui exprime la reconnaissance envers Dieu : on la retrouve dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament.
Dans l’Ancien Testament, la prière de demande s’exprime par plusieurs termes hébreux :
- « demander » (chaal) quelque chose à Dieu ; « supplier » (hanan) pour obtenir une faveur, une grâce, d’où « supplication, plainte »
Psaume 130,2
SEIGNEUR, entends ma voix; que tes oreilles soient attentives à ma voix suppliante! - « intercéder » (palal) pour quelqu’un d’autre
Job 42,8
Maintenant prenez pour vous sept taureaux et sept béliers, allez trouver mon serviteur Job, et offrez-les pour vous en holocauste tandis que mon serviteur Job intercédera pour vous. - puis demander
1Samuel 1,27
C’est pour cet enfant que j’ai prié, et le SEIGNEUR m’a concédé ce que je lui demandais.
d’où « prière de demande » (tephilla). Les téphilines (ou phylactères) sont deux petits étuis contenant quatre textes de la Torah que le juif s’attache sur le front et sur le bras gauche pour dire les prières du matin.
Deutéronome 6,8
Tu en feras un signe attaché à ta main, une marque placée entre tes yeux.
De même, la prière de louange s’exprime par plusieurs termes hébreux : louer (halal) comme dans hallelou Yah (« louez Yahvé » qui a donné Alléluia) ; célébrer (yadah) ; bénir (barak). On trouve l’illustration de toute cette diversité particulièrement dans le livre des Psaumes. Les psaumes appartiennent à plusieurs genres littéraires. Les trois principaux sont les louanges (ou hymnes), les supplications, les actions de grâce ; ils peuvent être individuels ou collectifs. Bon nombre de psaumes sont à la fois des supplications et des actions de grâce (Psaume 22). Il existe aussi des prières de confiance (Psaume 23), des méditations (Psaume 90), des chants de pèlerinages (Psaume 122), etc
Dans le Nouveau Testament, le cadre de la liturgie (c’est-à-dire le déroulement et le contenu de la célébration) et des prières juives est très présent, dans les récits des évangiles notamment. Jésus prie et apprend à ses disciples à prier. Paul commence chacune de ses épîtres par une salutation et une prière d’action de grâce pour ceux à qui il s’adresse. Le livre de l’Apocalypse, dont plusieurs visions forment une grande liturgie céleste, est jalonné d’hymnes et de louanges à Dieu le Père et à l’Agneau, le Christ ressuscité.
L’évangile de l’enfance de Luc est rythmé par trois cantiques, entièrement inspirés de l’Ancien Testament.
Cantique de Marie Luc1,46-55
Alors Marie dit: « Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit s’est rempli d’allégresse à cause de Dieu, mon Sauveur, parce qu’il a porté son regard sur son humble servante. Oui, désormais, toutes les générations me proclameront bienheureuse, parce que le Tout Puissant a fait pour moi de grandes choses: saint est son Nom. Sa bonté s’étend de génération en génération sur ceux qui le craignent. Il est intervenu de toute la force de son bras; il a dispersé les hommes à la pensée orgueilleuse; il a jeté les puissants à bas de leurs trônes et il a élevé les humbles; les affamés, il les a comblés de biens et les riches, il les a renvoyés les mains vides. Il est venu en aide à Israël son serviteur en souvenir de sa bonté, comme il l’avait dit à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa descendance pour toujours. »
Cantique de Zacharie Luc1,68-79
Zacharie, son (de Jean Baptiste) père, fut rempli de l’Esprit Saint et il prophétisa en ces termes: « Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, parce qu’il a visité son peuple, accompli sa libération, et nous a suscité une force de salut dans la famille de David, son serviteur. C’est ce qu’il avait annoncé par la bouche de ses saints prophètes d’autrefois: un salut qui nous libère de nos ennemis et des mains de tous ceux qui nous haïssent. Il a montré sa bonté envers nos pères et s’est rappelé son alliance sainte, le serment qu’il a fait à Abraham notre père: il nous accorderait, après nous avoir arrachés aux mains des ennemis, de lui rendre sans crainte notre culte dans la piété et la justice sous son regard, tout au long de nos jours. Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut, car tu marcheras par devant sous le regard du Seigneur, pour préparer ses routes, pour donner à son peuple la connaissance du salut par le pardon des péchés. C’est l’effet de la bonté profonde de notre Dieu: grâce à elle nous a visités l’astre levant venu d’en haut. Il est apparu à ceux qui se trouvent dans les ténèbres et l’ombre de la mort, afin de guider nos pas sur la route de la paix. »
Cantique de Siméon Luc2,29-32 « Maintenant, Maître, c’est en paix, comme tu l’as dit, que tu renvoies ton serviteur. Car mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé face à tous les peuples: lumière pour la révélation aux païens et gloire d’Israël ton peuple ».
A la demande de ses disciples, Jésus leur apprend à prier :
Luc 11,1-4
Il (Jésus) était un jour quelque part en prière. Quand il eut fini, un de ses disciples lui dit: « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean l’a appris à ses disciples. » Il leur dit: « Quand vous priez, dites: Père, fais connaître à tous qui tu es, fais venir ton Règne, donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour, pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes nous pardonnons à tous ceux qui ont des torts envers nous, et ne nous conduis pas dans la tentation. »
Les mentions de la prière de Jésus, à l’écart ou la nuit, laissent deviner l’importance de ces temps où il est avec le Père, en particulier avant la Passion.
Marc 1,35
Au matin, à la nuit noire, Jésus se leva, sortit et s’en alla dans un lieu désert; là, il priait..
Luc 6,12
En ces jours-là, Jésus s’en alla dans la montagne pour prier et il passa la nuit à prier Dieu.
Luc 22,40-46
Arrivé sur place, il (Jésus) leur dit: « Priez pour ne pas tomber au pouvoir de la tentation. » Et lui s’éloigna d’eux à peu près à la distance d’un jet de pierre; s’étant mis à genoux, il priait, disant: « Père, si tu veux écarter de moi cette coupe… Pourtant, que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui se réalise! » Alors lui apparut du ciel un ange qui le fortifiait. Pris d’angoisse, il priait plus instamment, et sa sueur devint comme des caillots de sang qui tombaient à terre. Quand, après cette prière, il se releva et vint vers les disciples, il les trouva endormis de tristesse. Il leur dit: « Quoi! Vous dormez! Levez-vous et priez afin de ne pas tomber au pouvoir de la tentation! »
Voici un exemple de salutation et prière d’action de grâce par lesquelles l’apôtre Paul commence chacune de ses épîtres :
1Corinthiens 1,4-9
Je rends grâce à Dieu sans cesse à votre sujet, pour la grâce de Dieu qui vous a été donnée dans le Christ Jésus. Car vous avez été, en lui, comblés de toutes les richesses, toutes celles de la parole et toutes celles de la connaissance. C’est que le témoignage rendu au Christ s’est affermi en vous, si bien qu’il ne vous manque aucun don de la grâce, à vous qui attendez la révélation de notre Seigneur Jésus Christ. C’est lui aussi qui vous affermira jusqu’à la fin, pour que vous soyez irréprochables au jour de notre Seigneur Jésus Christ. Il est fidèle, le Dieu qui vous a appelés à la communion avec son Fils Jésus Christ, notre Seigneur.
Il cite parfois des hymnes :
Ephésiens 1,3-14
Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ: Il nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les cieux en Christ. Il nous a choisis en lui avant la fondation du monde pour que nous soyons saints et irréprochables sous son regard, dans l’amour. Il nous a prédestinés à être pour lui des fils adoptifs par Jésus Christ; ainsi l’a voulu sa bienveillance à la louange de sa gloire, et de la grâce dont il nous a comblés en son Bien-aimé: en lui, par son sang, nous sommes délivrés, en lui, nos fautes sont pardonnées, selon la richesse de sa grâce. Dieu nous l’a prodiguée, nous ouvrant à toute sagesse et intelligence. Il nous a fait connaître le mystère de sa volonté, le dessein bienveillant qu’il a d’avance arrêté en lui-même pour mener les temps à leur accomplissement: réunir l’univers entier sous un seul chef, le Christ, ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre. En lui aussi, nous avons reçu notre part: suivant le projet de celui qui mène tout au gré de sa volonté, nous avons été prédestinés pour être à la louange de sa gloire ceux qui ont d’avance espéré dans le Christ. En lui, encore, vous avez entendu la parole de vérité, l’Évangile qui vous sauve. En lui, encore, vous avez cru et vous avez été marqués du sceau de l’Esprit promis, l’Esprit Saint, acompte de notre héritage jusqu’à la délivrance finale où nous en prendrons possession, à la louange de sa gloire.
Philippiens 2,6-11
Comportez-vous ainsi entre vous, comme on le fait en Jésus Christ: lui qui est de condition divine n’a pas considéré comme une proie à saisir d’être l’égal de Dieu. Mais il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et, reconnu à son aspect comme un homme, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix. C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse, dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que le Seigneur, c’est Jésus Christ, à la gloire de Dieu le Père.
Pour Paul, la prière chrétienne est l’oeuvre de l’Esprit Saint :
Romains 8,26
De même, l’Esprit aussi vient en aide à notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut, mais l’Esprit lui-même intercède pour nous en gémissements inexprimables.
Le livre de l’Apocalypse, dont plusieurs visions forment une grande liturgie céleste, est jalonné d’hymnes et de louanges à Dieu le Père et à l’Agneau, le Christ ressuscité.
Apocalypse 4,8-11
Les quatre animaux avaient chacun six ailes couvertes d’yeux tout autour et au-dedans. Ils ne cessent jour et nuit de proclamer: Saint, saint, saint, le Seigneur, le Dieu tout-puissant, celui qui était, qui est et qui vient! Et chaque fois que les animaux rendaient gloire, honneur et action de grâce à celui qui siège sur le trône, au Vivant pour les siècles des siècles, les vingt-quatre anciens se prosternaient devant celui qui siège sur le trône, ils adoraient le Vivant pour les siècles des siècles et jetaient leurs couronnes devant le trône en disant: Tu es digne, Seigneur notre Dieu, de recevoir la gloire, l’honneur et la puissance, car c’est toi qui créas toutes choses; tu as voulu qu’elles soient, et elles furent créées.
Apocalypse 5,9-10
Ils (les animaux et les anciens) chantaient un cantique nouveau: Tu (l’Agneau) es digne de recevoir le livre et d’en rompre les sceaux, car tu as été immolé, et tu as racheté pour Dieu, par ton sang, des hommes de toute tribu, langue, peuple et nation. Tu en as fait, pour notre Dieu, un royaume et des prêtres, et ils régneront sur la terre.
Apocalypse 19,6-8
Et j'( Jean)entendis comme la rumeur d’une foule immense, comme la rumeur des océans, et comme le grondement de puissants tonnerres. Ils disaient: Alléluia! Car le Seigneur, notre Dieu tout-puissant, a manifesté son Règne. Réjouissons-nous, soyons dans l’allégresse et rendons-lui gloire, car voici les noces de l’agneau. Son épouse s’est préparée, il lui a été donné de se vêtir d’un lin resplendissant et pur, car le lin, ce sont les oeuvres justes des saints.
Matthieu 6,5-8
Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites qui aiment faire leurs prières debout dans les synagogues et les carrefours, afin d’être vus des hommes. En vérité, je vous le déclare: ils ont reçu leur récompense. Pour toi, quand tu veux prier, entre dans ta chambre la plus retirée, verrouille ta porte et adresse ta prière à ton Père qui est là dans le secret. Et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. Quand vous priez, ne rabâchez pas comme les païens; ils s’imaginent que c’est à force de paroles qu’ils se feront exaucer. Ne leur ressemblez donc pas, car votre Père sait ce dont vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez.
Depuis le chapitre 5, Jésus enseigne celles et ceux qui le suivent sur plusieurs sujets. Dans ce passage, Jésus parle de la prière. Différents commentaires de ce passage existent, on peut toutefois en souligner au moins trois points.
· Jésus aborde la prière comme un lien qui unit un individu et Dieu. C’est une relation essentiellement individuelle qui ne dépend pas du regard des autres.
· Jésus rejette l’idée de faire de la prière une « œuvre » en ce sens qu’elle influencerait la volonté de Dieu selon sa pratique. Ici, la prière ne s’inscrit pas dans un rapport de force ni dans une logique du « donnant-donnant ».
· Jésus balaye tout ce qui touche à la « pratique religieuse », à ce que le croyant peut donner à voir pour recentrer le propos sur la relation du croyant avec Dieu. Cette relation s’exprime par la prière et en un lieu « secret », c’est-à-dire protégé, libéré du jugement des autres.
Luc 18,1-8
Jésus leur dit une parabole sur la nécessité pour eux de prier constamment et de ne pas se décourager. Il leur dit: « Il y avait dans une ville un juge qui n’avait ni crainte de Dieu ni respect des hommes. Et il y avait dans cette ville une veuve qui venait lui dire: Rends-moi justice contre mon adversaire. Il s’y refusa longtemps. Et puis il se dit: Même si je ne crains pas Dieu ni ne respecte les hommes, eh bien! parce que cette veuve m’ennuie, je vais lui rendre justice, pour qu’elle ne vienne pas sans fin me casser la tête. Le Seigneur ajouta: « Écoutez bien ce que dit ce juge sans justice. Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit? Et il les fait attendre! Je vous le déclare: il leur fera justice bien vite. Mais le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre? »
Parmi les difficultés de la prière que rencontre sans doute la plupart des chrétiens, se trouve celle de l’inefficacité de la prière. Ce passage prend acte également de cette lenteur de Dieu à répondre aux prières des hommes.
Le scandale de l’inaction apparente de Dieu est un thème que l’Ancien Testament aborde déjà :
Psaume 44,24-26
Réveille-toi, pourquoi dors-tu, SEIGNEUR? Sors de ton sommeil, ne rejette pas sans fin! Pourquoi caches-tu ta face et oublies-tu notre malheur et notre oppression? Car notre gorge traîne dans la poussière, notre ventre est cloué au sol.
Luc 11,1-13
Il (Jésus) était un jour quelque part en prière. Quand il eut fini, un de ses disciples lui dit: « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean l’a appris à ses disciples. » Il leur dit: « Quand vous priez, dites: Père, fais connaître à tous qui tu es, fais venir ton Règne, donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour, pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes nous pardonnons à tous ceux qui ont des torts envers nous, et ne nous conduis pas dans la tentation. » Jésus leur dit encore: « Si l’un de vous a un ami et qu’il aille le trouver au milieu de la nuit pour lui dire: Mon ami, prête-moi trois pains, parce qu’un de mes amis m’est arrivé de voyage et je n’ai rien à lui offrir, et si l’autre, de l’intérieur, lui répond: Ne m’ennuie pas! Maintenant la porte est fermée; mes enfants et moi nous sommes couchés; je ne puis me lever pour te donner du pain, je vous le déclare: même s’il ne se lève pas pour lui en donner parce qu’il est son ami, eh bien, parce que l’autre est sans vergogne, il se lèvera pour lui donner tout ce qu’il lui faut. « Eh bien, moi je vous dis: Demandez, on vous donnera; cherchez, vous trouverez; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, et à qui frappe on ouvrira. Quel père parmi vous, si son fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent au lieu de poisson? Ou encore s’il demande un oeuf, lui donnera-t-il un scorpion? Si donc vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent. »
Dans ce texte, les disciples demandent à Jésus de leur apprendre à prier. Après les avoir enseignés, Jésus conclut sur le don premier que Dieu fait à celui qui le lui demande : la présence de son Esprit. Tout ce passage parle de la prière en se concentrant sur la prière de demande. Si « prier », c’est se placer en vérité devant Dieu, la première prière peut être effectivement une demande. L’homme est généralement marqué par le désir, l’attente ou l’espérance de quelque chose. Plusieurs interprétations de la réponse de Jésus sont possibles. L’une d’entre elles consiste à y voir une promesse de présence. En effet, si Dieu donne son Esprit à ceux qui le lui demandent, on peut y lire la promesse de sa présence au coeur même de toutes prières. Non seulement Jésus prend acte que la prière puisse se formuler dans la demande, mais il assure que Dieu se fera solidaire de cette demande.