Aimer - Contexte
William Shakespeare (1564-1616) est considéré comme un des plus grands poètes, dramaturges et écrivains anglais. Roméo et Juliette est une de ses nombreuses tragédies : elle est jouée pour la première fois en 1595. Elle raconte l’histoire de Roméo Montaigu et de Juliette Capulet, deux enfants issus de familles ennemies de Vérone (Italie), qui tombent amoureux l’un de l’autre et meurent ensemble. Le succès de Roméo et Juliette est tel qu’on présente souvent ce couple comme l’idéal amoureux. En amour, chacun semble fonctionner avec de « l’idéal ».
– On projette généralement sur le conjoint un idéal de l’homme ou de la femme (véhiculé par l’éducation, les médias, etc.). On attend du conjoint qu’il calme les angoisses, apaise les blessures intimes. Les engagements pris entre conjoints le jour du mariage expriment parfois cette idéalisation du conjoint à qui on demande d’être « parfait ».
– On idéalise également la vie de couple. Aujourd’hui, la vie conjugale est censée apporter ce que la vie sociale et professionnelle n’offre pas : la sécurité, l’harmonie, l’absence de conflits, l’authenticité, etc. Ainsi, la « barque conjugale » est bien chargée, au risque de prendre l’eau. Dès que le quotidien montre les limites du rêve, il en résulte de la déception, et peut parfois naître le désir de « chercher ailleurs ». Au lieu d’abandonner le rêve, on abandonne le partenaire qui ne s’y conforme pas.
La vie conjugale ne peut être seulement un « Eden amoureux », exempt de dysfonctionnements ou de désaccords. Le conjoint est aussi imparfait, limité et faillible que l’autre. Il serait risqué de perdre de vue cette réalité en idéalisant la relation amoureuse. D’ailleurs, la Bible présente de nombreux d’exemples d’alliances (entre un homme et une femme, un peuple et un autre, Dieu et son peuple), où chacun finit par accepter l’autre tel qu’il est, réellement.
Aujourd’hui, la société a tendance à parler d’amour en mettant en avant ses aspects émotionnels et irrationnels. On considère l’amour comme « véritable » et « bon » dès lors qu’il est sincère, authentique et émotionnellement fort. Certes, ces sensations peuvent procurer du plaisir, mais ne durent généralement que le temps du désir assouvi. Et, en suivant le principe de consommation (tout peut se vendre, s’acheter et se jeter), on privilégie l’immédiateté plutôt que l’inscription dans la durée.
En ce sens, on confond souvent l’amour tel que la société le présente et l’amour tel que le message chrétien le conçoit. D’abord, en christianisme, l’amour n’est pas primitivement une émotion ou un sentiment, mais, d’abord, une dynamique reçue de la part de Dieu qui entraîne vers les autres dans un souci de véritables relations. Enfin, l’amour est appelé à se construire dans la confiance : c’est un amour échangé, qui repose sur la parole de l’un et de l’autre. A l’image de la foi qui est un acte de confiance entre Dieu et le croyant, l’amour entre deux personnes repose sur la parole qu’elles se sont échangées. C’est cette confiance qui permet à l’amour de s’inscrire dans la durée ouverte aux changements, aux évolutions.
Le Dieu de Jésus-Christ parle d’amour. Dans son enseignement, Jésus parle d’un Père qui aime et qui commande d’aimer.
Jean 15,9-13
Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés; demeurez dans mon amour. Si vous observez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme, en observant les commandements de mon Père, je demeure dans son amour. Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. Voici mon commandement: aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Nul n’a d’amour plus grand que celui qui se dessaisit de sa vie pour ceux qu’il aime.
L’amour ne s’articule pas de manière évidente avec le commandement. Jésus présente d’abord l’amour comme le lien indéfectible qui unit Dieu aux hommes. Cet amour de Dieu est proposé à l’humanité, il est offert gratuitement sans aucune condition à remplir et l’évangile promet que rien ne peut venir le détruire.
Romains 8,38-39
(Paul écrit :) Oui, j’en ai l’assurance: ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l’avenir, ni les puissances, ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, notre Seigneur.
Cet amour donné est présenté comme celui qui unit les hommes entre eux.
En mettant à la première place ce commandement d’amour (Jean 15 ci-dessus), Jésus n’en fait pourtant pas une loi qu’il faudrait respecter sous peine de ne plus être aimé de Dieu. Il en parle plutôt comme du plus grand commandement qui trouve son origine, sa raison d’être et sa fin dans l’amour de Dieu. Lorsqu’il dit que « Dieu aime » et que les croyants sont appelés à « s’aimer les uns les autres », le sens du mot amour peut porter à confusion. Il ne s’agit pas là d’un sentiment ni d’une émotion, mais avant, d’une détermination, d’un dynamisme bienveillant.