Ascension et Pentecôte - Aller plus loin
La sociologue F.A. Isambert jette un regard critique sur la signification de la Pentecôte pour les Français et sur le fait que sa célébration est tombée en désuétude dans un pays à majorité catholique :« Chaque saison a son couple de fêtes : Pâques et le 1er Mai au printemps, le 14 juillet et l’Assomption en été, la Toussaint et le 11 novembre en automne, Noël et le Nouvel An en hiver. On dira : et la Pentecôte ? et l’Ascension ? L’Ascension est devenue une fête mineure. Quant à la Pentecôte, les Français – et l’on peut dire sans doute les Occidentaux – n’y ont jamais rien compris, et en font seulement le week-end le plus long et le plus meurtrier de l’année. Mais n’ouvrons pas ce chapitre, ou le livre trop long qu’il faudrait écrire sur l’inexistence du Saint-Esprit dans le catholicisme occidental ».Isambert F.A., La Fin de l’année, Paris, 1976, p. 164. Cité in Rouillard, Philippe, Les fêtes chrétiennes en Occident, Paris: Cerf (coll. Histoire), 2003, p. 287.
Les deux prières se ressemblent beaucoup. La première est récitée au moment de la Sainte Cène lors du culte de Pentecôte dans la tradition protestante réformée, le poème Veni Sancte Spiritus (« Viens Esprit saint ») est chanté lors de la messe de la Pentecôte dans la tradition catholique :
Invocation de l’Esprit saint Liturgie verte, ERF, 1985, culte de Pentecôte.
Oui Seigneur tu es Saint,
Tu es l’amour, tu es la liberté,
Tu es la joie et la vérité,
Il est merveilleux de te connaître.
Tu nous rassembles aujourd’hui
Comme un Père réunit ses enfants,
Pour refaire avec nous ton alliance,
Pour nous redire les mots de ta tendresse.
Donne-nous ton Esprit saint,
Donne ton souffle de vie
A ton Eglise,
Pour qu’elle soit source de libération
Et cause de joie.
Nous ne venons pas les mains vides,
Mais nous t’apportons ce que nous sommes :
Nous venons avec nos vies,
avec nos peines et nos joies,
avec notre amour.
Par l’action de ton Saint Esprit,
donne-nous communion au corps et au sang de
Ton Fils.
Donne-nous la paix.
Donne-nous la joie et la force que tu veux.
Pour nous.
Veni Sancte Spiritus Cité in Rouillard, Philippe, Les fêtes chrétiennes en Occident, Paris: Cerf (coll. Histoire), 2003, p. 285-286.
Viens, Esprit saint, en nos cœurs
Et envoie du haut du ciel
un rayon de ta lumière.
Viens en nous, père des pauvres,
Viens, dispensateur des dons,
Viens, lumière de nos cœurs.
Consolateur souverain,
hôte très doux de nos âmes,
adoucissante fraîcheur.
Dans le labeur, le repos ;
Dans la fièvre, la fraîcheur ;
Dans les pleurs, le réconfort.
Ô lumière bienheureuse,
viens remplir jusqu’à l’intime
le cœur de tous les fidèles.
Sans ta puissance divine,
Il n’est rien en aucun homme,
rien qui ne soit perverti.
Lave ce qui est souillé,
baigne ce qui est aride,
guéris ce qui est blessé.
Assouplis ce qui est raide,
réchauffe ce qui est froid,
rends droit ce qui est faussé.
A tous ceux qui ont la foi
et qui en toi se confient,
donne tes sept dons sacrés.
Donne mérite et vertu,
donne le salut final,
donne la joie éternelle.
Amen.
Voici un exemple d’invocation dans la liturgie de Sainte Cène lors d’un culte de Pentecôte :
Viens, Esprit créateur !
Par toi, toutes choses sont faites nouvelles,
Par toi, les hommes prophétisent,
Par toi, les disciples deviennent apôtres.
Viens, Esprit de vérité !
Par toi, nous voyons la lumière,
Par toi, nous comprenons la Parole,
Par toi, nous apprenons à prier.
Viens, Esprit de sainteté !
Tu rends témoignage en nous,
Tu intercèdes en nous,
Tu nous assistes et nous guéris.
Viens, Esprit de force et de puissance !
Esprit de flamme et de feu,
Esprit de sagesse et d’espérance.
Viens, Saint-Esprit,
Esprit de Dieu !
Liturgie ERF pour cultes de fêtes, culte de Pentecôte avec célébration de la Cène, Paris:Olivétan, 2007.
Le « parler en langues » dans les Actes des Apôtres, chapitre 2, désigne les différentes langues parlées par les apôtres pour annoncer la Bonne Nouvelle. Et « chacun pouvait les entendre parler dans sa propre langue ». Dans la tradition pentecôtiste (ainsi que dans d’autres mouvements charismatiques), cette expression a fini par désigner un langage de prière d’adoration qui est généralement incompréhensible par d’autres personnes.
Cahiers Evangile N° 124 supplément, Le récit de la Pentecôte, Service Biblique Evangile et Bible, Paris:Cerf, 2003, p. 108 :
« D’un point de vue pentecôtiste, (…) tout chrétien a reçu le saint Esprit, mais tous n’ont pas reçu le baptême ou effusion du saint Esprit. C’est une expérience qu’il doit attendre et rechercher. C’est par un « signe » – souvent le parler en langues – qu’il sait que maintenant il a reçu cette expérience. Il est alors agrégé à l’Eglise et reçoit de la force pour témoigner. Néanmoins ce parler en langues n’est pas un langage pour évangéliser les étrangers, mais un langage de prière qui lui permet d’adorer Dieu de façon audible ou dans le secret de son cœur. »
Maillard, Anne, Dimanche et fêtes chrétiennes, Histoire de leurs origines, Aubonne (Suisse):éditions Du Moulin, 1984, p. 66-67.
« Nous avons vu combien l’ensemble Pâques-Pentecôte célébrait toute l’œuvre de Dieu en Jésus-Christ dans sa vie, sa mort, sa résurrection, ses apparitions, son ascension et le don de l’Esprit. Les jeûnes préparaient à la grande joie des cinquante jours ouverts par la célébration de la cène du matin du dimanche, sans qu’aucun événement du ministère de Jésus ne soit relié à un jour particulier. Ainsi, l’ascension peut aisément être évoquée en même temps que la résurrection, ou bien durant toute la cinquantaine de la Pentecôte, ou encore le cinquantième jour qui, comme dans le judaïsme, revêt un caractère aussi solennel que le premier. De même, le don de l’Esprit n’est pas daté, mais il demeure un aspect particulier de tout le temps pascal.Cette concentration de significations reposait à vrai dire sur le Nouveau Testament, dont les auteurs ne se soucièrent jamais d’établir une chronologie pour des réalités qui étaient d’un autre ordre que celui de faits historiquement datables. Le Crucifié-Ressuscité est en même temps – et non successivement – le Seigneur monté auprès du Père, siégeant à la droite de Dieu et répandant son Esprit sur l’Eglise. Les évangélistes l’ont bien exprimé par l’unité du jour de cet « événement » (Mt 28, Lc 24, Jn 20). […]Les chrétiens des premiers siècles, dans la foulée des évangiles, se refusèrent à morceler l’œuvre du salut. L’évolution s’opère au 4e siècle lorsque l’empereur Constantin donne au christianisme une existence légale dans l’empire romain, et qu’alors d’autres fêtes, nouvelles, prennent de l’importance, Noël et l’Epiphanie. Dès lors, on s’achemine dans le cycle pascal vers des célébrations différenciées selon les jours, pour aboutir finalement à ce que nous connaissons aujourd’hui ».
Dans une prédication de 1544 sur les Actes des Apôtres, chapitre 2, le réformateur Martin Luther explique en quoi consiste l’action de l’Esprit Saint et comment les croyants peuvent accéder au don de l’Esprit Saint.
Texte cité dans Cahiers Evangile N° 124 supplément, Le récit de la Pentecôte, Service Biblique Evangile et Bible, Paris:Cerf, 2003, p. 86:
« Vous avez entendu plusieurs fois comment l’Esprit saint fait cela. Dieu accorde l’Esprit saint dans la prière seule, et il l’accorde à ceux qui le demandent et soupirent après un tel don. C’est pourquoi, si ton cœur lui aussi s’ouvre maintenant, persévère dans ces pensées et cette prière, et ne doute point. C’est là le chemin le plus proche et le meilleur qui puisse te conduire à l’Esprit saint. Car Christ lui-même enseigne de faire ainsi et d’en prier le Père céleste.Cependant, la prière seule ne suffit pas. Car si tu voulais t’asseoir dans un coin et prier l’Esprit saint sans être assidu à la Parole et aux sacrements, ta prière porterait difficilement du fruit. C’est pourquoi, si tu veux accéder au don de l’Esprit saint, il faut surtout que tu en fasses la demande auprès du Père au nom de Jésus, qu’ensuite tu te tiennes fidèlement à la Parole et que, chaque fois que tu t’approches de la Cène du Seigneur, tu te souviennes avec sérieux de ton baptême et de ce que Dieu t’a accordé par là et quelle alliance il a conclue avec toi à travers ce baptême. Car à travers la Parole et le sacrement, l’Esprit saint veut rallumer nos cœurs par la nouvelle lumière de la foi, afin que nous n’écoutions pas seulement la Parole mais que nous la comprenions et devenions ainsi des hommes nouveaux, aux cœurs nouveaux. »