Violence, de quoi parle-t-on? - Espace temps
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Les formes de violence sont appréhendées différemment selon les cultures.
Ainsi nous paraissent cruelles des coutumes qui font partie de la norme de certaines sociétés traditionnelles. Les scarifications, par exemple, qui consistent à entailler la peau, parfois à introduire sous la peau des petits cailloux. Ce marquage indélébile a trois fonctions : déterminer l’appartenance à un groupe social constitué (tribu, clan, lignée, famille), relier les individus à un élément surnaturel supérieur (divinité, ancêtre disparu, animal totémique), satisfaire à des critères esthétiques locaux. L’idée d’initiation et de douleur revêt une grande importance car elle permet à l’individu d’accéder à une réalité supérieure, de rejoindre les génies protecteurs et les ancêtres disparus. Dans ces sociétés traditionnelles, ces coutumes ne sont pas perçues comme violentes.
La question des châtiments corporels est très différente selon les cultures. Certains pays pratiquent la loi du talion, d’autres les mutilations, une main coupée pour un voleur ou des coups de fouet. La peine de mort divise les Etats.
De même qu’il y a des différences de perception de la violence d’une culture à l’autre, son appréciation varie aussi selon les périodes de l’histoire, à l’intérieur d’une même culture. En Europe, par exemple, les enfants, les animaux, ne sont plus les cibles traditionnelles de la violence qu’ils étaient encore au 19e siècle, les châtiments corporels diminuent et les combats d’animaux disparaissent. Les coups portés aux enfants, à l’école ou en famille, sont désormais punissables. On est devenu sensible aux violences conjugales. On ne pratique plus le duel. Plus difficile est le repérage de ce qui, dans notre société actuelle, paraîtrait » violent » pour nos ancêtres !
Dans le monde, le rapport à la peine de mort est très variable selon les pays. Ceux-ci peuvent être classés en différentes catégories selon la situation de la peine de mort dans la législation et dans les faits.
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Des pays abolitionnistes . Ces Etats ont aboli la peine de mort en droit pour tous les crimes. Au 1er janvier 2003, Amnesty International recense dans cette catégorie 76 pays, soit 39 % des pays de la planète. La France fait partie de cette catégorie depuis 1981. -
Des pays abolitionnistes pour les crimes de droit commun . Ces Etats prévoient l’application de la peine de mort uniquement pour les crimes exceptionnels (par exemple les crimes prévus par la justice militaire ou les crimes commis dans des circonstances exceptionnelles : en temps de guerre,…). Ils n’ont souvent procédé à aucune exécution judiciaire depuis longtemps. 15 pays (8 %). -
Des pays qui prévoient la peine de mort dans leur législation sans toutefois l’appliquer dans les faits . Ces Etats conservent la peine de mort dans leur législation, mais ils n’ont procédé à aucune exécution judiciaire depuis au moins dix ans et n’ont pas l’intention affirmée de recommencer dans l’immédiat. 21 pays sont ainsi abolitionnistes en pratique (11%). -
Des pays qui pratiquent la peine de mort . Ces Etats prévoient la peine capitale dans leur législation et l’appliquent dans les faits. On recense 83 pays non abolitionnistes (42 %) dont les Etats-Unis et la Chine. En 2003, 84 % des exécutions recensées ont eu lieu en Chine, aux États-Unis, en Iran et au Viêt-Nam
» Vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied « … Ainsi est formulée la loi du talion dans la Bible, en Deutéronome 19,21b. Il s’agit au départ d’un principe juridique visant à juguler la violence. La vengeance démultiplie la violence, ainsi qu’en témoigne Lamech, descendant de Caïn, qui disait : » Un homme pour une blessure, un enfant pour une meurtrissure » (Genèse 4,23). La loi du talion oppose au désir de vengeance un autre principe : » Blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure » (Exode 21,25). Le talion s’oppose ainsi aux pulsions de l’homme offensé, en limitant la punition à une recherche d’équivalence.
À l’époque de Jésus, quelques sadducéens défendent encore le principe du talion. Mais dans la pratique deux autres principes juridiques sont appliqués. Celui de la réparation, sous forme d’amende ou de compensation, comme le demande Exode 21,26 et suivants, dans le contexte immédiat du talion : » Quand un homme frappera l’œil de son serviteur ou l’œil de sa servante et l’abîmera, il les laissera aller libres, en compensation de leur oeil « . Et celui d’une punition en rapport au tort causé sans lui être complètement équivalente.
Jésus, dans le sermon sur la montagne, intériorise la loi du talion pour la mener à sa radicale impossibilité, ouvrant ainsi une place à une autre forme de justice, basée sur le pardon, c’est-à-dire sur la relation à retisser avec l’offenseur : » Vous avez appris qu’il a été dit : œil pour œil et dent pour dent. Et moi je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre » (Matthieu 5,38-39). Il ne s’agit pas là de se soumettre à la violence, soit en la multipliant (rendre la gifle) soit en s’écrasant devant le plus fort, mais de lui opposer autre chose que la violence, un acte qui surprend et arrête la main du violent.
La fondation de la ville de Rome est basée sur la légende de deux frères, Remus et Romulus, dont l’un tue l’autre. La ville est ainsi fondée sur un crime, elle naît dans un acte de violence.
Selon la tradition, Rhea Silvia, prêtresse de Vesta, fille de l’ancien roi d’Albe Numitor, devait rester vierge. Séduite par le dieu Mars, elle a des jumeaux que leur grand-oncle Amulius, qui avait usurpé le trône, décide d’exposer sur les eaux du Tibre. Leur berceau s’échoue et une louve les sauve de la mort en les allaitant. Le berger Faustulus les recueille ensuite dans sa chaumière. Romulus et Remus décident de fonder une ville sur le Palatin. Pour en trouver le nom, ils recourent aux auspices : le premier, Remus aperçoit 6 vautours ; Romulus en voit 12 à la fois, mais après son frère ; du coup, la ville prend son nom : Rome. Romulus trace un sillon marquant ses limites. Remus, vexé de ne pas être roi, franchit le sillon par défi. Romulus le tue.
La grotte (Lupercal) où vivait la louve et la cabane du berger devinrent des lieux de pèlerinage. Une grande fête de purification, les Lupercales, avait lieu chaque année ; un groupe d’hommes, les Luperci, hommes-loups, couraient sur le Palatin après les femmes et les fouettaient pour les rendre fertiles.
A Eridou en Mésopotamie, la création de l’humanité répond au besoin de libérer les dieux de leur fardeau et de l’imposer à l’homme : » Que l’on égorge un dieu… Avec la chair et le sang de ce dieu, que Nintou mélange de l’argile, afin que le dieu même et l’homme se trouvent mélangés ensemble dans l’argile. » L’homme est ainsi destiné à apaiser les dieux : » Vous m’aviez ordonné une tâche : je l’ai achevée. Vous avez égorgé un dieu avec son intelligence. J’ai supprimé votre travail si pénible, et votre dur labeur, c’est à l’homme que je l’ai imposé. Vous avez transféré la plainte à l’humanité : (pour vous) j’ai délié le joug, j’ai établi la liberté. »
À Babylone, dans le cycle de Mardouk, l’humanité naît également du sang d’un dieu mis à mort : » Que soit livré un seul d’entre les dieux, que lui seul soit détruit, que le coupable soit livré pour que vivent les autres. […]. C’est Kingou qui a engendré le combat, a fait se révolter Tiamat… On lui trancha le sang et, de son sang, Ea créa l’humanité. »
L’origine de l’homme est ainsi posée dans une violence initiale. On mesure la différence avec les récits bibliques de création (Genèse 1 et 2) qui, issus du même bassin culturel, présentent la création comme belle, bonne, paisible, l’homme en étant le centre et le responsable (Genèse 1,27-28)