Psaume 22 - Contexte
Les lectures juives associent le psaume 22 au livre d’Esther dont l’histoire est rappelée lors de la fête de Pourim. D’après ce livre biblique, Esther est une jeune femme juive déportée à Babylone. Elle devient reine des Perses et, grâce à sa position importante, sauve les Juifs du massacre.
Les commentateurs s’accordent pour une composition du psaume en deux grandes parties :
v. 1 Suscription
Dans le cadre d’un psaume, il s’agit du premier verset qui indique le plus souvent :la personne qui va psalmodier ou chanter le psaume (ex : le chef de chœur)l’instrument de musique à employer (ex : sur la Guittith [psaume 8] / sur la lyre à huit cordes [psaume 12]) ou la mélodie utilisée (ex : sur « Meurs pour le fils » [psaume 9] / sur « Biche de l’aurore » [psaume 22]) l’auteur présumé par la tradition (ex : Psaume de David / De David).*
v. 2 à 22a : 1ère partie : Une plainte adressée à Dieu
v. 2 à 12 : le psalmiste se sent abandonné par Dieu malgré son appel à l’aide. Il s’interroge car, par le passé, ses pères ont toujours eu une réponse de la part de Dieu. Sa situation suscite les railleries de ses adversaires. Il réitère sa demande à l’aide.
v. 13 à 22a : l’environnement est très hostile au psalmiste. Il a tout perdu et est en danger de mort.
v. 22b : Seul Dieu peut le sauver et il répond à la fin du verset 22.
v. 23 à 32 : 2e partie : Une louange dans l’assemblée
v. 23 à 25 : le psalmiste loue le Seigneur et témoigne devant l’assemblée de ce qui lui est arrivé.
v. 26 à 27 : le bénéfice de la louange concerne également les pauvres.
v. 28 à 32 : la louange a une dimension universelle pour les générations actuelles et pour les générations futures.
Le thème du silence de Dieu se retrouve dans plusieurs textes de l’Ancien Testament : le livre de Job, le livre de Jérémie, les Psaumes (Psaumes 69, 143). Dans le livre de Job, par exemple, tout au long des 38 premiers chapitres Job pose la question suivante : pourquoi tant de souffrances et d’épreuves lui sont infligées ? Job se trouve dans la même situation que le psalmiste du psaume 22 : il n’a pas de réponse. Malgré une réponse qui tarde à venir à l’échelle de la chronologie humaine, il a la conviction contre vents et marées que Dieu répondra. Ainsi il affirme au chapitre 19, verset 25 : « je sais que mon rédempteur est vivant ». Il rejette fermement l’argumentation de ses amis sur la cause de ses malheurs. La réponse de Dieu est décalée : il ne s’adresse à Job qu’à partir du chapitre 38.
Dans le Nouveau Testament, le silence de Dieu apparaît au moment de la mort de Jésus dans l’évangile selon Marc (Marc 15,33-37). Le verset 2 du psaume 22 est mis dans la bouche de Jésus sous forme de cri (le verbe grec utilisé est boaô : crier) : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Aucune réponse de la part de Dieu n’arrive. Les personnages restent sur un malentendu au sens propre : ils entendent le prénom « Elie » et non pas le mot « Dieu » (Elôi).
Le thème du Dieu caché s’articule avec le thème du silence de Dieu. Dans les textes de l’Ancien Testament, Dieu semble parfois se dérober et abandonner l’individu ou son peuple. Du moins, c’est ainsi que le psalmiste ressent ce qui lui arrive dans un premier temps de révolte, de souffrance, d’incompréhension, d’impatience. Un Dieu qui n’est pas toujours présent, c’est à la fois très déstabilisant et nécessaire. Un Dieu qui ne s’impose pas, laisse un espace pour la liberté et la responsabilité de l’être humain.
Dans les psaumes de complainte, le psalmiste est souvent attaqué par des animaux, par des guerriers. Tous veulent lui nuire, le faire mourir. Ce bestiaire illustre l’expérience humaine du psalmiste : il voit les autres comme des ennemis, désignés ici par des noms d’animaux. Dans le psaume 22, les ennemis sont apparus aux versets 7 et 8. Ils se moquent du psalmiste. La moquerie des ennemis est un thème typique des psaumes de lamentations : on le retrouve par exemple dans les psaumes 3, 10, 35 et 42. La fonction des ennemis est de mettre en évidence le questionnement du psalmiste qui cherche à s’assurer du soutien et de l’aide de Dieu dans un moment dramatique de son existence.
La déchéance physique, qui s’apparente à une maladie mortelle, peut être comprise comme l’état de séparation du psalmiste d’avec Dieu, une crise existentielle profonde. Dans l’Ancien Testament une telle crise est décrite sous la forme d’attaques d’ennemis. La mort évoquée n’est pas tant la mort physique du psalmiste mais une vie hors de la communauté en isolement et exclusion. La maladie mortelle est autant dans le corps que dans l’esprit. Il y a un va-et-vient entre des images physiques et psychiques.