Conter l’Evangile - Clés de lecture
Il s’agit de Jésus explicitement nommé en amont au chapitre 14, verset 3 dans le texte grec. Après avoir lu la parabole
Dans une parabole, une idée, une pensée est représentée par une image, une histoire. Il est important de comprendre que, la plupart du temps, on n'illustre qu'une seule pensée : il n'est donc pas juste de vouloir chercher des correspondances pour tous les personnages, objets ou situations cités. pour elle-même, il est important de lire les deux versets qui l’introduisent; ceux-ci indiquent la situation dans laquelle Jésus s’est exprimé et pointent ce qui fait problème.
Luc 15,1-2
Les
Aux yeux des scribes et des pharisiens, Jésus transgresse les lois de pureté rituelle en mangeant avec des pécheurs. La parabole va tenter de leur faire comprendre le sens de ces repas partagés et de leur faire adopter un nouveau point de vue sur ces pécheurs, sur Dieu et sur eux-mêmes.
Lorsqu’une question délicate doit être abordée, lorsque l’on souhaite déplacer son interlocuteur, lui faire voir les choses autrement, il est parfois plus efficace de le faire indirectement, par le biais d’une histoire vivante, que par un long et difficile discours ! C’est ce que Jésus fait ici en disant une parabole.
Une parabole est un récit qui raconte une histoire, souvent très simple et brève. Cette histoire « parle » à ceux qui l’entendent car elle est un peu leur histoire : les images, les scènes, les personnages sont tirés de leur vie quotidienne, de leur culture.
Et en même temps, l’histoire racontée cherche à interpeller; elle souhaite faire réfléchir, s’interroger, par exemple sur Dieu, sur la foi. Une parabole espère amener ceux qui l’entendent à changer leur façon de comprendre la vie et de vivre. Cette intention est présente dans la partie de la parabole que l’on nomme généralement « application » ou « morale » qui s’adresse explicitement aux auditeurs (verset 7: « Je vous le déclare, c’est ainsi… »)
D’autres paraboles existent dans l’évangile selon Luc, dans les autres évangiles du Nouveau Testament et dans l’Ancien Testament.
Dans l’antiquité, des paraboles étaient couramment utilisées par les enseignants.
Cet animal évoque des images et des notions très importantes pour ceux à qui Jésus dit cette histoire et qui sont familiers des écritures bibliques.
Dans plusieurs Psaumes et textes prophétiques, les brebis représentent le peuple de Dieu et celui-ci est désigné comme le berger de ce peuple. Dieu est un berger attentif, aimant, il guide son peuple, le rassemble quand il se disperse, le protège des dangers, le sauve.
Dans la parabole de Jésus, Dieu n’est pas nommé explicitement. Mais pour ceux qui entendent cette histoire, il est clair que le berger qui abandonne tout et se démène pour retrouver l’une de ses brebis perdue évoque Dieu.
Dans l’évangile selon Jean, c’est Jésus qui s’identifie au bon berger.
En négatif, certains récits bibliques parlent de mauvais bergers ; ce sont ceux qui ne prennent pas soin de leurs brebis, les laissent se perdre et ne les recherchent pas. La parabole de Jésus n’identifie pas explicitement les auditeurs scribes et pharisiens à ces mauvais bergers, évitant ainsi de les affronter directement. Jésus les laisse faire ce travail d’identification eux-mêmes et laisse ainsi la porte ouverte.
Luc 15,3-7 fait partie d’un ensemble de trois paraboles qui toutes construisent leur récit sur l’opposition perdu- retrouvé. Dans la première parabole, il s’agit d’une brebis, dans la seconde d’une pièce d’argent, dans la troisième d’un fils, tous perdus et retrouvés.
La joie est essentielle dans cette brève parabole (versets 5 et 6) et son application (verset 7). Il ne s’agit pas d’une joie individuelle, solitaire, mais d’une joie à partager, d’une joie à laquelle tous sont appelés alors qu’ils n’y sont pour rien : ils n’avaient pas eux-mêmes perdu de brebis. Mais ils sont invités à se réjouir avec celui qui est dans la joie.
Les scribes et pharisiens qui reprochent à Jésus de faire « bon accueil » aux pécheurs (verset 2) sont, par ce récit, implicitement invités à partager la joie du berger et celle de Dieu. Et donc invités à cesser de « murmurer » (verset 2), à changer de point de vue sur les faits et gestes de Jésus et sur l’idée qu’ils se font de Dieu.
L’évangile de Luc accorde une grande importance à la joie: c’est avec elle que s’ouvre et se referme cet évangile; elle ponctue également le récit.
L’évangile de Luc fait référence au ciel pour évoquer les interventions de Dieu dans la vie des humains, dans leur histoire, et notamment la naissance, le ministère et l’ascension de Jésus. L’expression ici désigne Dieu lui-même.
Dans l’évangile selon Luc, est pécheur aux yeux des pharisiens celui qui ne respecte pas les lois.
Dans la Bible, le terme « pécheur » n’a pas d’abord un sens moral mais théologique: Il désigne généralement toute personne qui ne vit pas en relation avec Dieu et ne vit pas selon la volonté de Dieu. La parabole insiste sur l’aspect relationnel avec l’opposition perdu – retrouvé, et en redoublant les termes qui disent l’importance de la brebis pour le berger. Etre pécheur, selon cette parabole, serait être perdu, être sans relation.
Les textes bibliques désignent ainsi les personnes « ajustées » à Dieu et à sa volonté. Il peu encore s’agir de personnes « justifiées » par Dieu. Dans ce dernier cas, le texte insiste sur le fait qu’aucun être humain ne peut de ses propres forces devenir juste.
Ici, Jésus brouille les cartes : ceux qui s’estiment être « justes », c’est-à-dire les scribes et pharisiens (verset 2), sont abandonnés dans le désert. La parole de Jésus dévoile leur raisonnement : ils considèrent qu’ils « n’ont pas besoin de conversion ». Comment pourraient-ils se dire « justes » s’ils se révèlent incapables de se réjouir du « bon accueil » que Jésus fait aux pécheurs ?
Les « 99 justes » sont invités à entrer dans une démarche de mise en question de leur justice et à se laisser chercher et trouver par Dieu.
D’autres récits dans l’évangile de Luc jouent sur l’opposition pécheurs-justes et insistent sur le fait que Jésus est venu non pour les justes mais pour les pécheurs.
Le récit aide à comprendre ce terme. Le verset 7 opère un déplacement : l’unique brebis perdue et retrouvée (sans activité de sa part) de la parabole devient « un seul pécheur qui se convertit » dans ce que l’on appelle sur le plan littéraire, « l’application » de la parabole (« Je vous le déclare, c’est ainsi qu’il y aura … »). Se convertir, ici, ne serait donc pas le fruit d’un effort, d’un surplus d’activités religieuses pour se hisser jusqu’à Dieu, mais consisterait à se reconnaître perdu et à se laisser chercher et retrouver par Dieu.