Abraham - Espace temps
Selon la chronologie biblique et les chiffres que cette histoire met en avant, il faudrait situer l’histoire véritable des patriarches au début du deuxième millénaire av. JC. Il est difficile de classer définitivement certains événements d’un point de vue historique. Il faut regarder des listes comme ci-dessous comme des canevas qui permettent de se situer. Elles donnent avant tout des repères.
Temps des patriarches, Abraham, Isaac, Jacob |
vers 1800-1500 av. JC |
Israël en Egypte, l’Exode et Moïse |
vers 1500-1250 |
La conquête de Canaan avec Josué |
1250-1200 |
Le temps des Juges |
1200-1000 |
Le temps de la royauté : Saül, David , Salomon |
autour de l’an 1000 |
Le royaume du Nord : Israël |
926-722 |
Le royaume du Sud : Juda |
1000-587 |
L’Exil à Babylone |
587-539 |
La période après l’Exil |
539-… |
La Judée sous domination des Perses |
539-333 |
La Judée sous domination des Grecs |
333-63 |
La Judée sous domination des Romains |
63-…. |
Et c’est le temps du christianisme |
0-… |
L’expression » Our des Chaldéens » (v. 28-31) désigne la ville d’Ur en Babylonie sur la rive droite de l’Euphrate, à 150 kilomètres de la rencontre du Tigre et de l’Euphrate. Elle est connue depuis le 3e millénaire av. JC, et célèbre par sa ziggourat, tour à étages au sommet de laquelle se situait le temple d’une divinité babylonienne. L’expression Our des Chaldéens permet de dater le contexte du texte biblique. La désignation » chaldéens » est utilisée seulement au premier millénaire av. JC pour parler des babyloniens. Elle sera reprise en Genèse 15,7 pour indiquer que c’est Dieu qui est à l’origine de toute cette histoire : » C’est moi qui t’ai fait sortir d’Our des Chaldéens pour te le (ce pays) donner en possession « . Ces textes se réfèrent à un contexte du premier millénaire av. JC.
Harrân se situe au Nord Ouest d’Our, à une centaine de kilomètres à l’est de l’Euphrate, au nord de la Syrie. Our et Harrân sont connues pour être des cités dédiées au dieu Sîn, dieu lunaire. Le nom de Tèrah ferait allusion au nom Yérah, la lune, de même Laban (blanc) ferait allusion à la pleine lune, cf. Esaïe 24,23.


Ce terme est une appellation géographique correspondant à peu près à la Cisjordanie actuelle. Le mot pourrait signifier le bas-pays par opposition au haut plateau syrien. Le terme peut aussi signifier pays de la pourpre, pays des marchands (Esdras 23,8).
Dans le livre des Juges (Jg 4-5) les Cananéens sont les détenteurs des ressources des plaines par opposition aux hautes terres où se situent davantage les Israélites. Cette opposition ne doit pas être exagérée, l’économie agropastorale exigeait des échanges continuels entre cultivateurs des plaines et éleveurs des montagnes.
Connue comme ville de l’âge du Bronze et cité cananéenne du deuxième millénaire, Juges 9, la cité est devenue un sanctuaire important des tribus du Nord, et plus particulièrement des clans de Jacob, Genèse 33,18-20. Sichem fut aussi pendant une courte période la première capitale du royaume du Nord, 1Rois 12,25. Mais dans le cycle d’Abraham, l’étape de Sichem est là pour rappeler combien cette ville a une grande importance après la conquête, c’est là que les tribus renouvellent l’alliance avec Dieu, Josué 24,1-3, Sichem est le symbole de l’unité tribale. Par cette étape, Abram symbolise l’unité des origines d’Israël.
Le choix de Sichem valorise les traditions du Nord puisque cette ville est le lieu de la première théophanie
Ce mot d'origine grecque veut dire "Manifestation de Dieu" ou encore "Révélation de Dieu". de Dieu en Canaan. L’histoire d’Israël commence à Sichem. Ce lieu sera encore valorisé par les traditions de Jacob et de Joseph. Joseph sera enterré à Sichem, Genèse 48,22 ; Josué 24,32.
Béthel est un site situé à une dizaine de kilomètres au nord de Jérusalem. Le nom signifie traditionnellement « maison de Dieu ». La terminaison El est utilisée dans d’autres noms de lieux et noms propres (Israël, Ismaël). Avec cette signification, ce lieu fut un sanctuaire dédié à la divinité El, divinité suprême du panthéon cananéen. Mais le nom de Béthel peut être un nom de divinité comme l’attestent des écrits d’Eléphantine
Eléphantine est une station du sud de l'Egypte sur le Nil où vivait une communauté juive dans la deuxième moitié du premier millénaire av. JC., écrits du 6-5e siècle av. JC et provenant d’Egypte.
Ce site est lié aux traditions de Jacob (Genèse 28,11-22). Il est aussi fortement lié au royaume du Nord (926-722 av. JC) dans lequel Béthel est un sanctuaire important (1Rois 12,25-32). Il représente aussi la frontière sud du royaume du Nord.
Aï est un site moins connu, le nom signifie « ruine » et est mentionné parmi les villes que Josué a conquises en Josué 8.
A l’époque perse (539-333 av. JC), Béthel et Aï sont comptés comme un même territoire (Esdras 2,28 ; Néhémie 7,32) et représentent le nord de la province de Judée.
En hébreu, ce terme sert à indiquer la direction du sud. Il désigne en même temps toute la région semi-désertique au sud d’Hébron. Selon Josué 15,1-21, le Néguev fait partie des territoires attribués aux clans de Juda.
La description d’Abram comme signe de bénédiction est également un emprunt à la fonction royale connue du Proche-Orient ancien. Genèse 12,2-3 reprend à son compte un vocabulaire attaché à la fonction royale : le roi est une bénédiction pour son peuple car il est le garant de la protection du dieu sur le pays. Selon les anciens codes de Lois, comme le code Hammourabi (roi de Babylone au 18e siècle av. JC), le roi est représenté comme un bienfaiteur de son peuple. Cette idée est « détournée » au profit d’Abram. On utilise cette prérogative pour faire d’Abram une figure quasi royale qui n’est pas là exclusivement pour les siens, mais pour tous les clans de la terre. Le récit offre une ouverture nouvelle face à toutes les représentations identitaires et fermées d’Israël.
La figure d’Abram est associée à un verbe de mouvement qui signifie « passer, traverser » (cf. Genèse 13,17). De cette racine hébraïque est tiré le titre « d’Abram l’Hébreu » (Gn 14,13). En Genèse 10,21, il est aussi question des fils d’Héber. Il s’agirait là de la désignation d’une population sans attache géographique précise. Pour les cananéens, il serait question d’une population qui vient d’au delà du fleuve Euphrate. Ce nom « Hébreu » est rapproché des mentions des Apirous ou Hapirous que l’on trouve dans les lettres découvertes sur le site d’El Amarna, ancienne capitale d’Akhénaton, pharaon du 14e siècle av. JC et connu pour une réforme religieuse autour du dieu solaire, Aton. Ces lettres sont la correspondance qu’entretenait le pharaon avec les petits états vassalisés de Syrie-Palestine. Dans cette correspondance, le terme Hapirou qualifie une population mercenaire, souvent une soldatesque soit menaçante soit au service de ces petits royaumes.
En Genèse 23, Abraham achète aux gens du pays, désignés sous le nom de » fils de Heth « , la grotte de Makpéla pour y enterrer Sara. Ils sont aussi appelés » peuple de la terre « , terme qui désignait les gens qui n’avaient pas été déportés par les Babyloniens, lors de l’effondrement de Juda en 587 av. JC, date de la chute de Jérusalem. » Le peuple de la terre » ou » peuples du pays » (Esdras 3,3 ; Néhémie 9,29-32), est souvent critiqué pour sa pratique religieuse jugée non conforme aux prescriptions de la loi juive. Cette population fut ainsi stigmatisée par les gens qui avaient été exilés. C’est dans ce contexte qu’il convient de lire Genèse 24. Ce long texte témoigne d’une certaine méfiance à l’égard des gens du pays puisqu’Isaac ne peut pas épouser une fille du pays. La cohabitation a ses limites ! Rien ne permet de dire pourtant qu’il s’agit d’ennemis ou de gens à rejeter.