Caïn et Abel - Contexte

Comparaison entre les chapitres 3 et 4 du livre de la Genèse

Le déroulement de l’intrigue des chapitres 3 et 4 du livre de la Genèse (nous vous invitons à les relire) présente des similitudes. La construction du texte semble être en écho, voire en parallèle.

 

Chapitre 3 Chapitre 4
Dieu interroge Adam. Dieu interroge Caïn.
Interdit : manger de l’arbre de la connaissance. Interdit : tuer.
Sentiment de honte : perte de l’innocence et appréhension de la notion de faute et de culpabilité. Irruption du mensonge : Caïn dit ignorer où est son frère.
Adam rejette la responsabilité sur la femme Ève. Caïn nie sa responsabilité : « suis-je le gardien de mon frère ? »
Dieu chasse Adam et Ève du jardin. Dieu chasse Caïn de sa terre.
Adam doit cultiver la terre qui lui donnera des fruits qu’après un dur labeur. Caïn cultivait la terre et doit l’abandonner et errer.
Adam a une descendance : Caïn et Abel, chapitre 4,1-3. Caïn a une descendance : généalogie du chapitre 4,17-26.
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Les significations du mot frère

Le mot hébreu traduit ici par « frère » peut avoir plusieurs significations. Le premier sens est : frère, c’est-à-dire issu du même père et de la même mère. C’est la signification dans le texte étudié.
Mais le mot peut également signifier demi-frère, parent proche ou lointain, membre d’un même clan ou du même peuple.
Le mot englobe donc la notion de frère génétique mais aussi la notion plus large de fraternité et d’appartenance à une même famille, à un même clan ou à un même groupe ethnique.

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Présentation des deux frères en miroir

 

La comparaison entre les deux frères a lieu au niveau des actions et des événements racontés par le texte biblique des versets 1 à 5. Jusqu’à la réaction de Dieu par rapport aux offrandes, le lecteur peut avoir l’impression que les deux frères ont chacun leur place. À première lecture, on ne perçoit pas la concurrence.
Le parallélisme est syntaxique : il s’agit des mêmes constructions grammaticales dans le texte hébreu. Le parallélisme est également sémantique : on peut noter l’utilisation des mêmes verbes. Le texte revêt donc une construction en miroir.

Caïn Abel
v.1b Elle enfanta Caïn. v.2a Elle continua à enfanter son frère Abel.
v.2b Caïn était serviteur du sol. v.2b Abel était pasteur de petit bétail.
v.3 Caïn apporta une offrande. v.4a Et Abel apporta aussi des premiers-nés.
À partir du verset 4b, le rythme du texte s’inverse. Abel passe avant Caïn et reçoit la bienveillance de Dieu.
v.5a Mais vers Caïn et son offrande, il (Dieu) ne regarda pas avec bienveillance. v.4b YHWH regarda avec bienveillance vers Abel et son offrande.

 

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Égalité, vraiment ?

L’égalité entre Caïn et Abel est toute relative d’un point de vue anthropologique et psychologique. L’étude approfondie du texte apporte des éléments qui soulèvent les difficultés dans cette relation.
Caïn est né d’un homme et d’une femme qui sont nommés : Adam et Ève. Ève affirme l’avoir « acquis avec le concours de YHWH (Seigneur) » : Caïn est mis en relation, par la parole de sa mère Ève, avec une tierce personne qui n’est pas son géniteur mais Dieu. Il est présenté comme « homme ». Caïn parle dans ce récit : à Abel, à Dieu. Le personnage acquiert une importance propre : il agit, il parle, il négocie même avec Dieu (versets 13 et 14).
Abel n’est pas mis en relation avec Dieu par la parole d’Ève. Il naît dans la continuation et tient la place du cadet. Il est présenté comme le frère de Caïn. Ève ne parle pas de lui. Le récit ne fait prononcer aucune parole à Abel. Son prénom Abel signifie d’ailleurs en hébreu : vapeur, souffle, vanité.
Après avoir construit ce personnage d’Abel, le texte fait intervenir Dieu qui le sort de cette inconsistance en le considérant et en acceptant son offrande.

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Dégager une structure du texte

Le texte peut être découpé en six séquences. Il y a une alternance entre les passages qui décrivent des actions (récits) et des passages qui décrivent la prise de parole de Dieu (dialogues).

Versets 4,1 à 4,2a Formule généalogique
Nomination des parents : Adam et Ève
Naissance et nomination de Caïn et Abel
Versets 4,2b à 5 Premier épisode narratif
Les offrandes de Caïn et Abel
Réaction de Dieu envers les offrandes
Réaction de Caïn
Versets 6 à 7 Première prise de parole de Dieu auprès de Caïn
Versets 8 Deuxième épisode narratif
Le meurtre d’Abel par Caïn
Versets 9 à 15a Deuxième prise de parole de Dieu auprès de Caïn
Dieu procède à un interrogatoire (versets 9-10)
Dieu prononce la malédiction (verset 11)
Dieu prononce le châtiment (verset 12)
Caïn conteste le châtiment et ses conséquences (versets 13-14)
Dieu adoucit la peine (verset 15a)
Versets 15b à 16 Troisième épisode narratif
Caïn émigre vers le pays de Nod.

 

 

 

 

 

 

 

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Luther donne son explication sur l’attitude de Dieu

La réaction de Dieu face à l’offrande de Caïn a suscité de nombreux commentaires à chaque époque. Luther propose une explication intéressante : il pointe le rôle des parents Adam et Ève dans l’éducation de Caïn. Cette démarche de lecture est assez innovante pour le 16e siècle car elle fait appel à des éléments que l’on pourrait qualifier aujourd’hui de « psychologiques ».

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La réaction de Dieu contre la logique des mérites ?

À la première lecture du texte, le lecteur ne perçoit pas forcément une opposition flagrante entre Caïn et Abel. La présentation des deux frères est en miroir (versets 1 à 3). C’est à partir du meurtre d’Abel par Caïn (verset 8) que le lecteur est amené à faire une relecture sur la manière dont les deux frères ont été présentés.

La manière dont Dieu reçoit les offrandes d’Abel et de Caïn constitue également un point de basculement dans la relation entre les deux frères. La réaction attribuée à Dieu déconstruit cette logique des mérites, cette logique rétributive. C’est, semble-t-il, ce qui révolte Caïn. Il interprète la réaction de Dieu comme une injustice.
Les textes de l’Ancien Testament proposent plusieurs interprétations de l’offrande. Certains textes critiquent l’offrande matérielle.

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La fraternité est-elle impossible ?

Le récit met le lecteur face à la violence. Cette violence semble comme « déjà-là » dès le début de l’histoire de l’humanité. Elle émerge en plus entre deux frères. C’est dire que la fraternité n’a rien d’évident.
La fraternité est-elle impossible ? Si le texte ne répond pas directement à cette question, il pose cependant la difficulté de la confrontation à l’autre, de l’acceptation de l’autre, de la place de chacun dans la famille et devant Dieu.
Le récit met en scène Dieu qui tente d’établir un dialogue avec Caïn, dialogue qui aurait pu donner une autre issue. Mais Caïn ne saisit pas l’occasion. Sa liberté de choix reste entière. Et Dieu n’empêche pas le meurtre.

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L’importance du sol dans les quatre premiers chapitres du livre de la Genèse

Le sol, traduit aussi par « terre » ou « glaise », est intimement lié à la vie de l’être humain dans le récit du livre de la Genèse. Dans le chapitre 2, l’homme est lié à la terre par un acte de création de Dieu. En effet, Dieu le façonne à partir de la terre comme un potier fabrique un vase à partir de la glaise.

Dans le chapitre 3, le sol est maudit à cause de la désobéissance d’Adam et Ève (verset 3,17). Il est associé à la souffrance au verset 3,19.

Dans le chapitre 4, Caïn cultive le sol dont il tire son offrande pour Dieu. Suite au meurtre de son frère Abel, le sol le maudit et Dieu condamne Caïn à l’errance. Caïn perd donc le lien d’appartenance qu’il avait avec le sol. Il abandonne cet endroit entaché par le sang d’Abel pour s’installer au pays de Nod.

Ainsi le sol est paradoxalement associé à la vie, à la souffrance et à la mort :

  • À la vie car l’être humain vient du sol et qu’il le cultive afin de se nourrir,
  • À la souffrance car il doit peiner pour le cultiver et en tirer sa subsistance,
  • À la mort car l’être humain retournera à la poussière.
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