La Bonne Nouvelle du Christ - Clés de lecture
Paul écrit une lettre en réaction à une situation préoccupante dans les Églises de Galatie. La lettre est un genre littéraire courant dans l’Antiquité. Paul emploie pour se présenter et asseoir son autorité la formule « Paul, apôtre ». Cette formule de présentation se retrouve dans d’autres lettres de Paul. Paul affirme aux Galates qu’en tant qu’apôtre, il est mandaté par Jésus-Christ et que l’évangile qu’il prêche vient de Dieu. Pourquoi cette insistance en début de lettre ? En fait, Paul n’est pas un disciple de Jésus, il ne l’a pas connu de son vivant. Se revendiquer du titre d’apôtre n’est donc pas une affirmation évidente. Paul cherche à lever tout soupçon quant à sa légitimité d’apôtre en insistant sur l’origine de sa vocation qui ne relève pas d’une décision humaine. Par deux tournures négatives, il rejette une quelconque cause humaine : « non de la part des hommes, ni par un homme,… ». Cet argument revient aux versets 11 et 12.
Paul affirme que sa légitimité d’apôtre et, par conséquent, son droit d’intervention dans les affaires des Galates découlent du fait que sa mission est d’ordre divin. Il a été appelé par Dieu par l’intermédiaire de Jésus-Christ. Cet appel est indépendant de sa volonté et il développe cet état de fait en revenant sur les détails biographiques du moment de sa vocation un peu plus loin dans la lettre aux versets 13 à 24. L’argument de la mission divine se retrouve également dans l’Ancien Testament. Il a pour but de distinguer les vrais des faux prophètes. La question est de savoir comment les distinguer.Paul, de façon positive, met l’accent au début de sa lettre sur la résurrection. D’emblée, il présente Dieu comme celui qui ressuscite Jésus de la mort alors que la suite de la lettre met l’accent sur la croix, qui n’est compréhensible qu’à partir de la résurrection.
Au verset 2, le lecteur apprend qui sont les destinataires de cette lettre : les Eglises de Galatie. L’identité exacte des Galates et le lieu géographique de la Galatie sont sujets à plusieurs hypothèses. Le mot Eglise, qui n’est pas à prendre ici dans le sens d’institution, est au pluriel: il s’agit de plusieurs communautés. Paul a écrit une lettre « circulaire » (l’expression est de l’exégète François Vouga) qu’il destine à plusieurs communautés disséminées dans cette région nommée la Galatie. On ignore le nombre des ces communautés et leur lieu précis d’implantation. Paul semble avoir évangélisé cette région lors de son deuxième voyage.
Les versets 4 et 5 constituent la fin de la salutation. On trouve souvent la traduction suivante : « qui s’est livré pour nos péchés ». Cependant la traduction retenue ici est plus proche du texte grec. Le participe grec dontos vient du verbe didomi qui veut dire « donner ». La notion de don est positive. Jésus s’est donné pour nous. Ce don commence à la naissance de Jésus et va jusqu’à sa résurrection. Dès le début de sa lettre, Paul fait référence à la résurrection du Christ, centrale pour l’Evangile qu’il prêche. Il va démontrer l’inutilité de la mort de Jésus sur la croix si les Galates se placent à nouveau sous la logique de la loi (Galates 2,21). Il termine sa lettre avec cette même affirmation de l’importance de la croix (Galates 6,14-16) comme événement qui sauve l’être humain. Pour Paul, la mort de Jésus sur la croix participe d’un combat fondamental : ou bien l’être humain reste esclave de son péché, de son absence de relation avec Dieu ; ou bien il retrouve la vie dans cette relation avec Dieu. L’expression « pour nos péchés » a été comprise de façon trop unilatérale comme exprimant l’idée d’un sacrifice. Or, un don est une décision active, un choix, alors que la victime d’un sacrifice ne choisit pas, elle subit l’événement. Le but de ce don est clairement formulé : arracher l’être humain au siècle présent et mauvais. Pour Paul, le péché au singulier c’est se couper de la relation avec Dieu, c’est penser pouvoir se « faire tout seul », indépendamment de Dieu et des autres. C’est croire qu’en réalisant toutes les œuvres de la loi, l’être humain gagnera une valeur aux yeux de Dieu.
Le verset 6 aborde le motif de la lettre : des missionnaires sèment le trouble par leurs propos parmi les Galates. Le lecteur ignore comment Paul a été mis au courant de la situation en Galatie. La lettre réagit au danger certain que courent les Galates de se détourner de l’Evangile que prêche Paul, pour un autre évangile. Il commence son intervention par le verbe grec taumazô qui a plusieurs significations possibles : être étonné, s’étonner, être émerveillé, admirer. Dans le texte, il semble avoir un sens ironique, mais on peut aussi le comprendre dans un sens de surprise plutôt désagréable, voire d’incompréhension et même de réelle inquiétude. C’est la vitesse de revirement des Galates qui le préoccupe.Paul appelle cet évangile des autres missionnaires « un autre » (verset 7), « un évangile différent » (verset 8 et 9). A ce stade de la lettre, le lecteur ne sait pas ce que renferme exactement cet évangile. Paul affirme avec force qu’il est contraire à l’Evangile de Dieu. Le mot « évangile » apparaît d’ailleurs 5 fois des versets 6 à 12 avec une opposition constante entre l’autre évangile et l’Evangile du Christ.
Le mot grec euaggelion signifie « bonne nouvelle ». Dès le début de la lettre aux Galates, Paul affirme que l’Evangile est fondamentalement lié à la personne de Jésus Christ. L’Evangile n’est pas tant un contenu, un message particulier que l’annonce de Jésus Christ, mort et ressuscité.. D’ailleurs, il met d’emblée l’accent sur la résurrection (verset 1).
Paul ne précise pas qui sont exactement ces gens. Le texte grec utilise le pronom indéfini tines qui signifie « quelques-uns, quelques, certains » (versets 7 et 9). Dans la même lettre, au chapitre 3, verset 1 et au chapitre 5, verset 7, Paul continue à les désigner de façon impersonnelle. Cette volonté délibérée de ne pas nommer ses adversaires est une manière de les déprécier. C’est peut-être également une manière pédagogique de dire aux Galates : « Ne leur accordez pas de crédit ». Elle peut être comprise comme du mépris. Il n’en reste pas moins, selon Paul, qu’ils représentent un danger pour les communautés de Galatie. Plusieurs hypothèses classiques coexistent sur l’identité de ces fauteurs de trouble. Mais elles sont aujourd’hui nuancées par les exégètes :
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Les adversaires sont des judéo-chrétiens conservateurs (peut-être venant de l’entourage de Jacques à Jérusalem) qui veulent rétablir la Loi juive dans les communautés pagano-chrétiennes fondées par Paul, en particulier la pratique de la circoncision.
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Les adversaires sont des judéo-chrétiens à tendance gnostique Ce terme, qui signifie " connaissance " en grec, désigne au début de l'ère chrétienne la connaissance portant sur l'essentiel, à savoir les mystères divins. Cette connaissance dépasse la simple foi.* qui veulent rétablir la circoncision mais aussi l’utilisation de calendriers de type astrologique (Galates 4,8-11).
Les versets 8 et 9 sont de construction presque identique. Au verset 8, Paul pose une première affirmation d’ordre général et sur le mode conditionnel (« si quelqu’un … vous annonçait »). Il réaffirme la sentence au verset 9. Paul lui-même lance l’anathème (« et je le redis maintenant »).
D’après l’exégète Jean-Pierre Lémonon, dans l’Ancien Testament, le mot hébreu hérem, parfois traduit par anathème, veut dire « vouer à l’interdit ». Le mot est utilisé par exemple dans un contexte de guerre et de conquête territoriale, comme dans le livre de Josué lors de la conquête de Canaan. Dans un deuxième sens, « on voue à l’anathème » celui qui a commis un acte abominable vis-à-vis du Seigneur comme l’introduction d’une idole dans la maison ou dans la ville (Deutéronome 7,26). Le mot « anathème » garde un sens fort dans le Nouveau Testament. En grec, anathema a un premier sens positif « offrande, don », et un deuxième sens négatif « en mauvaise part, malédiction ». Paul, en utilisant ce mot dans son deuxième sens, donne un poids supplémentaire à son argumentation.
A partir du verset 9, le « je » est prédominant. Paul donne son propre exemple comme argumentaire pour convaincre les Galates. Paul se déclare « serviteur du Christ ». Cette expression est couramment utilisée par l’apôtre. Le mot grec doulos signifie serviteur mais aussi esclave. Il faut comprendre ici le mot esclave comme celui qui appartient totalement à un autre, comme celui qui s’en remet au Christ mais avec une totale confiance. Ainsi le mot doulos a une connotation positive dans la bouche de Paul. Paul ne peut plus se penser autrement qu’appartenant au Christ.
Il se présente comme apôtre du Christ (verset 1) et serviteur du Christ (verset 10). Il termine cette introduction par l’affirmation forte que l’Evangile qu’il prêche lui a été transmis par une révélation de Jésus Christ (verset 11 et 12).