Dans un sermon à l’occasion de Noël, le réformateur Jean Calvin rappelle l’extrême dénuement de la naissance du Seigneur dans la mangeoire et sur la paille. Il pointe également un autre dénuement tout aussi intéressant : l’annonce a été faite à des bergers (évangile selon Luc, chapitre 2 verset 8). Certes, la figure du berger dans l’Ancien Testament est une figure sublime : un peu comme dans les contes, le messie est souvent comparé à un berger, on pense au roi David d’abord berger, on pense bien entendu au magnifique Psaume 23 : « l’Éternel est mon berger », et bien d’autres textes vont dans le même sens. Pourtant si la figure du berger est magnifiée, la réalité sociale des bergers a en revanche toujours été plutôt louche. En effet, les bergers restent des marginaux, des gens qui vivent surtout dehors, hors des villes, avec leurs animaux plus qu’avec leurs contemporains. Or c’est bien à eux, à ces gens, et non à leur image idéale, qu’a été annoncée la grande et bonne nouvelle de la naissance d’un sauveur ! Dans cette histoire de bergers, il y a donc une identité idéale, rêvée, mais utopique (celle issue de la tradition), il y a la dure et douloureuse identité sociale (avec son lot de préjugés et probablement de rejets) et il y a la bonne parole de Dieu qui rend grands et beaux ces gens qui n’étaient rien et qui leur confie la lumière de la bonne nouvelle.